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La hiérarchie des normes

  • INFORMATION

L'ESSENTIEL

  • EXERCICES CORRIGÉS

BIBLIOGRAPHIE

Il existe une grande diversité de normes écrites au sein de notre droit interne : normes constitutionnelles, plusieurs types de lois, plusieurs types de règlements. Mais à ces textes de source interne, viennent s’ajouter des textes de source internationale, et notamment des textes d’origine européenne qui se distinguent par une force d’intégration particulière dans les ordres juridiques nationaux.

La superposition de normes écrites fait naturellement naître des difficultés d’articulation et des conflits entre les différents types de normes.

Traditionnellement, la résolution de ces conflits est opérée grâce à la hiérarchie établie entre les textes. La hiérarchie des normes a été systématisée par le juriste Hans Kelsen qui présente l’ordre juridique comme un édifice pyramidal ; l’autorité accordée à chaque type de norme dépend de sa place dans cette pyramide, et conformément au principe hiérarchique, aucun texte ne saurait aller à l’encontre d’un autre qui serait situé à un niveau supérieur.

La conception traditionnelle de la hiérarchie des normes écrites, telle qu’on peut la présenter concernant les textes d’origine interne (I), se trouve altérée sous l’influence des normes d’origine internationale (II).

EXCERCICES CORRIGÉS

Premier exercice

Commentaire d’arrêt

Commenter l’arrêt : Civ. 1 re , 1 er  octobre 1986

Second exercice

Dissertation

Le contrôle de constitutionnalité des lois

Ouvrages à consulter dans  Dallozbibliothèque

Aubert J.-L. et Savaux É.,  Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil,  13 e  éd., Sirey, 2010, n° 89 s.

Buffelan-Lanore Y. et Larribau-Terneyre V.,  Droit civil : première année,  16 e  éd., Sirey, 2009, n° 42 s.

Cabrillac R. , Introduction générale au droit,  8 e  éd., Dalloz, coll. « Cours », 2009, n° 94 s.

Courbe P.,  Introduction générale au droit,  11 e  éd., Dalloz, coll. « Mementos », 2009, p. 41 s.

Douchy-Oudot M.,  Droit civil 1 re  année : introduction, personnes, famille,  5 e  éd., Dalloz, coll. « HyperCours », 2009, n° 90 s. (rôle régulateur du Conseil constitutionnel), 98 s. (normes internationales), et 133 et s. (règlements).

Terré Fr. , Introduction générale au droit,  8 e  éd., Dalloz, coll. « Précis », 2009, n° 244, 247 s. (contrôle de constitutionnalité), 258 s. (traités et accords  internationaux), 322 s. (règlements).

-  Législation

Nécessité d’adoption d’une loi pour autoriser la ratification ou l’approbation de la plupart des traités : article 53 de la Constitution

« Les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l'État, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi.

Ils ne prennent effet qu'après avoir été ratifiés ou approuvés.

Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n'est valable sans le consentement des populations intéressées. »

-  Jurisprudence

Incompétence du juge administratif pour contrôler la constitutionnalité d’une loi

CE 6 nov. 1936,  Arrighi,   DP  1938. III. 1, concl. Latournerie, note C. Eisenmann ;  S. 1937. III. 33, concl. Latournerie, note A. Mestre

Le Conseil d’État, respectueux de la souveraineté législative et de la séparation des pouvoirs, affirme son incompétence pour contrôler la constitutionnalité de la loi.

Dans la même matière

  • Droit et morale
  • La jurisprudence
  • La loi dans le temps
  • Les modes de preuve
  • Objet et charge de la preuve

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La pyramide des normes : comprendre la hiérarchie juridique

Dans le monde du droit, il est essentiel de saisir la structure hiérarchique des différentes normes juridiques. La théorie de la pyramide des normes, développée par le juriste autrichien Hans Kelsen, permet de mieux appréhender cette hiérarchie et d’analyser les relations entre les différents types de normes. Cet article s’adresse aux étudiants en droit et se présente sous forme de plan avec une introduction, un développement en trois parties, mais sans conclusion.

I. Introduction à la pyramide des normes

Le concept de la pyramide des normes a été développé par Hans Kelsen dans son ouvrage « Théorie pure du droit » publié en 1934. Selon Kelsen, les normes juridiques doivent être comprises comme étant organisées selon une hiérarchie structurée en forme de pyramide. Cette représentation schématique permet d’étudier les liens de subordination entre les différentes normes et d’éviter les conflits de normes.

A. Les niveaux hiérarchiques de la pyramide des normes

La pyramide des normes de Kelsen comporte plusieurs niveaux hiérarchiques :

  • Le sommet : la Constitution qui représente la norme suprême d’un État, garantissant la séparation des pouvoirs et protégeant les droits fondamentaux des citoyens.
  • Les normes internationales : les traités et accords internationaux ayant une valeur supérieure aux lois nationales.
  • Les normes législatives : les lois votées par le Parlement et promulguées par le gouvernement.
  • Les normes réglementaires : les décrets, arrêtés et circulaires émanant des autorités administratives compétentes.
  • Les normes jurisprudentielles : les décisions de justice ayant force de précédent pour les juridictions inférieures.

B. Les principes fondamentaux de la pyramide des normes

Trois principes fondamentaux sous-tendent la théorie de la pyramide des normes :

  • La supraconstitutionnalité : aucune norme ne peut être contraire à la Constitution, qui est la norme suprême d’un État.
  • La primauté du droit international : en cas de conflit entre une norme internationale et une norme nationale, la première doit prévaloir.
  • Le principe de légalité : toutes les normes infra-législatives doivent respecter les lois en vigueur.

II. Application de la pyramide des normes dans le système juridique français

Deuxième partie

A. La Constitution française au sommet de la hiérarchie

En France, la Constitution de 1958 occupe le sommet de la pyramide des normes. Elle définit le fonctionnement des pouvoirs publics, garantit les droits et libertés fondamentales et établit les principes directeurs du droit français. Ainsi, toute norme juridique française doit être conforme à la Constitution pour être valide.

B. La place des normes internationales dans le système juridique français

Le système juridique français accorde une grande importance aux normes internationales. L’article 55 de la Constitution prévoit en effet que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois ». Les normes internationales sont donc au-dessus des lois nationales dans la hiérarchie des normes françaises.

C. La distinction entre normes législatives et réglementaires

Les normes législatives et réglementaires occupent un niveau inférieur dans la pyramide des normes françaises. Les premières sont adoptées par le Parlement et promulguées par le gouvernement, tandis que les secondes sont édictées par les autorités administratives compétentes. Les normes réglementaires doivent respecter les lois en vigueur ainsi que les principes constitutionnels.

III. Limites et critiques de la théorie de la pyramide des normes

Troisième partie

A. Les difficultés d’application de la hiérarchie des normes

La mise en œuvre de la pyramide des normes peut poser certaines difficultés en pratique. Par exemple, il n’est pas toujours aisé de déterminer si une norme relève du niveau législatif ou réglementaire, ou encore d’établir la primauté entre deux normes internationales concurrentes. De plus, certaines normes, comme les principes généraux du droit ou les usages et coutumes, ne s’intègrent pas aisément dans la hiérarchie kelsénienne.

B. Les critiques adressées à la théorie de la pyramide des normes

La théorie de la pyramide des normes n’est pas exempte de critiques. Certains auteurs estiment que cette approche est trop rigide et ne reflète pas la complexité du monde juridique contemporain. D’autres considèrent que la hiérarchie des normes est davantage le résultat d’un choix politique que d’une nécessité logique. Enfin, il a été reproché à Kelsen de négliger l’importance des acteurs juridiques, tels que les juges ou les avocats, dans la création et l’interprétation des normes.

Néanmoins, malgré ces limites et critiques, la théorie de la pyramide des normes demeure un outil précieux pour appréhender la structure hiérarchique du système juridique et analyser les relations entre les différentes normes juridiques.

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Home Numéros 21 La hiérarchie des normes

La hiérarchie des normes

Ce texte vise à proposer quelques arguments pour une critique empiriste de la hiérarchie des normes, c'est-à-dire pour les besoins d'une science du droit descriptive et explicative. La hiérarchie des normes est à la fois objet d’étude scientifique, et théorie construisant cet objet. Une approche empiriste nécessite la formalisation de quelques concepts et une justification minimale de la possibilité d'une science juridique empiriste : ce seront les objets des premiers points de ce texte. Il s'agira ensuite de proposer une formulation de la conception de la hiérarchie des normes à laquelle l’empirisme peut conduire,  permettant de réévaluer la théorie (normativiste) de la hiérarchie des normes proposée par Kelsen comme une théorie politique, qui ne décrit pas son objet mais le construit comme contrainte.

This paper aims to propose some arguments for a critique of the hierarchy of norms on an empiristic ground, i.e. for the need of a legal science conceived as a (merely) descriptive and explanatory activity. The hierarchy of norms is both an object for legal science, and a theory elaborating this object. An empiricist approach needs first to reformulate some concepts and to provide a basic justification for the possibility of an empiricist legal science. From this starting point, this text will propose a new formulation of the concept of hierarchy of norms and will evaluate the (normativist) theory of the hierarchy of norms (as stated by Kelsen) as a political theory that does not describe its object, but elaborates it as a constraint.

Hierarhija norm. Empiristična kritika . Pričujoča razprava ponuja nekaj argumentov za empiristično kritiko hierarhije norm, tj. za namene pravoslovja kot (zgolj) opisujoče in razlagalne dejavnosti. Hierarhija norm pomeni hkrati predmet znanstvenega proučevanja in teorijo, ki ta predmet oblikuje. Empirističen pristop pa terja najprej preoblikovanje nekaterih pojmov in osnovno utemeljitev možnosti razvijanja empirističnega pravoslovja. Temu je namenjen prvi del razprave. Njen drugi del nato ponudi takšno opredelitev pojma hierarhije norm, do katere lahko vodi empirističen pristop. Z njenimi merili je (normativistično) teorijo o hierarhiji norm, kakršno je predlagal Kelsen, mogoče oceniti kot politično teorijo, ki svojega predmeta ne opisuje, ampak ga oblikuje z namenom vzpostavitve nekaterih omejitev.

Index terms

Mots-clés : , keywords: , ključne besede (sl): .

  • 1 Nombre de ces arguments ont été présentés et discutés dans le cadre des rencontres du Centre d’An (...)
  • 2 Bobbio (1998 : 188). Rappelons que pour Norberto Bobbio, l’idéal-type kelsénien, dont il sera ici (...)

1 Je voudrais dans ce texte proposer quelques arguments 1 pour élaborer une critique de la théorie de la hiérarchie des normes sur un fondement empiriste, c’est-à-dire à partir d’une posture théorique qui vise à élaborer des propositions vérifiables dans le monde physique ; pour reprendre un idéal-type proposé par Bobbio : une science explicative (par opposition à normative ; c'est-à-dire qu’elle entend traiter de faits, et non de normes, dès lors que celles-ci sont conçues comme des entités idéales : des obligations, des devoir-être ou des sollen ) - descriptive (par opposition à prescriptive). 2

3 Troper (1978 : 1523 et s).

  • 4 J’ai ailleurs essayé de proposer une caractérisation de quelques postures réalistes : Millard 201 (...)

2 Les critiques adressées aux théories disponibles de la hiérarchie des normes sont nombreuses et prétendent réfuter soit telle ou telle version de la théorie, soit l’existence même de son objet. Pour la plupart d’entre elles, elles ont fait long feu et il a été possible de leur opposer des arguments suffisants, parfois même dans le cadre d’une démarche réaliste, 3 au sein de laquelle l’empirisme juridique peut se ranger. 4

3 Il demeure que le réalisme est généralement assez critique à l’égard du concept de normes (tout au long de ce papier, comme cela sera indiqué sous 2 , normes et règles sont tenues pour parfaitement synonymes), et donc à l’égard d’une théorie de leur hiérarchie ; lorsqu’il ne l’est pas totalement (notamment dans le cadre d’une analyse critique du langage), il me semble ne pas toujours fournir une justification complète (qui relève d’une théorie générale du droit, ce qui inclut une théorie de la science du droit et bien sûr de son objet), qui ne lui est d’ailleurs peut-être pas nécessaire. En ce sens, une critique sur un fondement empiriste peut aussi être comprise comme une reformulation d’une telle théorie pour des fins empiristes.

4 Je ne prétends ici nullement parvenir à élaborer cette théorie : je souhaite simplement examiner quelques questions comme première approche. Je ne prétends pas non plus examiner ces questions ex nihilo , et on verra suffisamment que j’essayerais de m’appuyer sur des arguments déjà avancés par d’importants théoriciens du droit, en France ou à l’étranger, qui en tout ou partie (donc avec des nuances ou des réticences, explicites ou implicites) se sont souciés des conditions d’une science du droit à partir des faits.

5 Je commencerai par expliquer ce que j’entends par l’objet de ma critique, c’est-à-dire ce que je comprends par hiérarchie des normes (à la fois comme objet d’étude scientifique, et comme théorie construisant cet objet : 1 ). J’essayerai ensuite de formaliser quelques concepts qui me paraissent nécessaires pour mener la critique empiriste (et notamment le concept de norme  : 2 ). Nombre des éléments sur lesquels je m’appuie, notamment relativement à l’hypothèse d’une science juridique empiriste, ont fait l’objet d’une critique très argumentée de Hart : je m’efforcerai de dire en quoi cette critique ne me parait pas cohérente ( 3 ). Ensuite, je pourrai essayer de proposer une formulation de la conception de la hiérarchie des normes à laquelle l’empirisme conduit ( 4 ). Je terminerai en proposant de réévaluer la théorie (normativiste) de la hiérarchie des normes proposée par Kelsen comme théorie politique (essentielle : 5 ), qui ne décrit pas son objet mais le construit comme contrainte ( 6 ).

1 Quelques conceptions de la hiérarchie des normes

5 V. notamment en français de Béchillon 1996 ; et Larrosa 1997.

6 L’idée de hiérarchie des normes est à la fois étrangement familière au juriste et extraordinairement complexe. 5 Les travaux présentés dans cet ouvrage témoignent des pluralités de représentations auxquelles ce concept peut donner lieu.

  • 6 Les notions d’ordre et de système ne sont pas unifiées dans l’usage qui en est fait en théorie du (...)

7 J’entendrai ici par « hiérarchie des normes » des théories qui présentent l’ordre juridique comme un système organisé, prévoyant notamment un mécanisme théorique de résolution des questions d’appartenance d’une norme à ce système. 6 On verra que ces théories ne sont également possibles qu’à condition d’intégrer aussi la question de la modification des normes du système (abrogation ou annulation, amendement ou modification, création de normes nouvelles). Ces théories affirment toutes l’existence d’un critère interne au système juridique (la validité juridique), à l’exclusion de tout recours à des éléments extérieurs à la structure du système, notamment ceux reposant sur une évaluation axiologique (uniquement matérielle). Elles présupposent normalement un concept de droit et une théorie de la science du droit.

  • 7 Sur toutes ces questions, l’article de Pfersmann 2003, constitue bien davantage qu’une introducti (...)

8 Comme on peut le voir, je ne comprends pas par « hiérarchie des normes » la vulgate souvent utilisée par les juristes (et dont la faiblesse théorique autant que l’incapacité descriptive a été largement démontrée), 7 qui assimile la hiérarchie des normes à une pyramide d’actes juridiques s’ordonnant de manière cohérente parce que les actes dits inférieurs seraient parfaitement conformes matériellement aux actes dits supérieurs.

8 Kelsen 2004a.

  • 9 Hart 1976. Les références dans cet article concernent (sauf indication contraire) la première édi (...)
  • 10 Bobbio 1950. On trouvera en français une présentation de la conception de Bobbio par Riccardo Gua (...)

11 Paulson 2013a et 2013b.

12 La Torre 2013a et 2013b.

9 Les trois théories les plus fortes et les plus influentes traitant de la hiérarchie des normes sont évidemment la Théorie pure du droit 8 de Hans Kelsen dans sa deuxième version, le Concept de droit 9 de Herbert Hart et la Théorie de la science juridique 10 de Norberto Bobbio. Stanley Paulson 11 et Massimo La Torre 12 proposent dans cet ouvrage de très remarquables réflexions à partir des deux premières théories.

  • 13 Mais ce terme ne paraît pas heureux, d’autant que Kelsen a cru nécessaire d’en proposer un contenu (...)

14 V. par exemple la typologie proposée par Guastini (2013).

  • 15 La logique déontique peut se comprendre de diverses manières : une logique des normes (des signif (...)

10 La théorie de Kelsen est une théorie formelle. Elle considère que la validité est la modalité spécifique d’existence d’une norme et que les conditions de la validité sont identiques aux règles de production de la norme (dans sa version dynamique). De ce point de vue, une norme est valide si elle a été produite conformément à une norme, dite supérieure, elle-même valide. Il en résulte nécessairement que la norme ultime ne peut être décidée par ce processus comme valide. Pour les besoins de la science du droit, Kelsen propose une réponse cohérente à cette limite théorique : il est possible de recourir à une présupposition, qui traduit aussi une stratégie scientifique, et que Kelsen qualifie de norme fondamentale. Il s’agit de considérer que la norme ultime d’un système juridique (généralement la constitution) tire sa validité de cette norme fondamentale présupposée (Kelsen parle à son propos d’hypothèse logique-transcendantale). 13 Cette considération n’est pas donnée mais résulte d’une stratégie scientifique et constitue une réponse à la question : quels systèmes constituons-nous comme objet de la science du droit ? La hiérarchie fondée sur la théorie dynamique est nécessaire ; elle n’est pas la seule possible et d’autres éléments peuvent être conçus, notamment relatifs à la conformité matérielle. 14 La science du droit de Kelsen consiste à décrire des normes valides. Ce propos mérite attention en deux sens : parce que valides, ces normes existent (et peuvent ainsi être objets de science) ; parce que normes, elles ne sont pas des faits (et ne peuvent être objets d’une science empirique). La théorie formelle vise donc à une description d’un objet non vérifiable empiriquement, et cette description mobilise des méthodes relevant à la fois de la linguistique appliquée et de la logique formelle, particulièrement de la logique déontique. 15 En cela elle construit une science normative, qui chez Kelsen a d’abord été prescriptive (décrire des normes, c’est établir les sollen qui existent) puis clairement descriptive, quoique vérifiable d’un seul point de vue analytique.

  • 16 Même si ces obligations ne sont pas absolues mais relatives à un système (par exemple le système (...)
  • 17 V. à ce propos l’éclairante préface de Kelsen (1911), dans laquelle il énonce sans ambiguïté sa con (...)

11 La théorie formelle de la hiérarchie des normes présente de multiples intérêts. Elle a notamment constitué une des premières (et sans doute des plus rigoureuses) expression du projet positiviste en droit, compris comme science descriptive spécifique. En dépit de quelques maladresses (notamment quant à la formulation de la norme fondamentale) et de quelques hésitations dont Kelsen a toujours tenu compte (ce qui se manifeste par des modifications dans la posture méta théorique et le traitement variable réservé à l’empirique), elle est d’une rare cohérence. La discuter d’un point de vue interne n’est pas ici mon propos. Je me contenterai de souligner deux points de friction évidents avec une posture empiriste : le premier porte sur la Weltanshauung (la représentation du monde), le second sur la question heuristique. Sur ces deux questions l’empirisme part d’une autre conception ; or la première question est indécidable et la seconde n’est que stratégique. L’idée en effet qu’existent des normes comme sollen dans un monde spécifique 16 , et qu’une description de ces normes (donc de ce monde) est possible, traduit une préconception dualiste du monde 17 qui, si elle est largement partagée, ne peut être ni démontrée, ni infirmée : l’empirisme considère qu’il n’est pas possible de produire une proposition scientifique sur ce monde éventuel en tant que tel, et s’oblige à reconstruire l’hypothèse d’un tel monde à partir de faits, notamment en analysant les énoncés réels qui affirmeraient l’existence de normes. L’idée ensuite que les juristes et les citoyens aient besoin d’une description de ces normes (comme monde idéel) indépendamment de toute implication pratique (la question de l’effectivité) n’est pas non plus partagée par les empiristes.

18 Hart (1976 : 136–138).

12 Hart a d’ailleurs proposé dans une démarche analytique une construction de la hiérarchie des normes qui, pour partager nombre de réflexions kelséniennes (les conditions de la scientificité, l’interrogation sur la validité), s’en éloigne sur plusieurs points. Comme dans la théorie de Kelsen, Hart distingue les normes relatives aux modèles de comportement des normes relatives à la production des normes. Les premières de ces normes (normes primaires dans le vocabulaire de Hart) sont l’objet de normes secondaires qui en règlent l’identification (règles de reconnaissance), la modification (règles de changement) et la mise en œuvre (règles de décision). C’est l’articulation de ces deux types de normes qui détermine une hiérarchie, à la fois comme critère de validité (subordination) et comme critère d’unité systémique. A la différence de Kelsen cependant, Hart peut prétendre à une démarche empirique dans la mesure où il affirme que la règle de reconnaissance suprême et ultime existe socialement (qu’elle n’a pas besoin d’être présupposée pour les besoins de la science juridique) ; mais il indique logiquement aussi que l’affirmation de cette existence par une proposition de la science du droit vaut supposition de son caractère juridique (de sa validité), puisque une telle proposition ne peut résulter que d’un jugement externe de fait (une constatation sociologique d’une pratique sociale). 18 Sa conception de la science du droit relève très clairement du projet positiviste (descriptif) et, comme on y reviendra (sous 3 ), sa position sur l’existence des normes (règles dans son vocabulaire) peut apparaître très différente de celle de Kelsen.

  • 19 Essentiellement par manque de place, mais surtout parce qu’il m’apparaît que la théorie de la hié (...)

13 Je n’évoque pas plus longuement la conception de la hiérarchie des normes proposée par Bobbio (même si une histoire des théories juridiques devrait réévaluer son rôle novateur par rapport à une théorie de la hiérarchie des normes) car je ne la discuterai pas. 19 Je veux simplement rappeler deux critiques que Bobbio adresse à Hart et Kelsen : la validité implique qu’une norme soit valide à la fois du point de vue formel (ses modalités de production) et du point de vue matériel (conformité), ce qui suppose une autre prise en compte de la question des antinomies ; les normes positives (du droit positif) sont suffisantes à la définition d’un système juridique et il n’est pas besoin de rechercher dans une fiction (Kelsen) ou dans une méta norme (chez Hart) le fondement de validité que les normes positives contiennent.

2 Quelques précisions pour une critique empiriste de ces conceptions

  • 20 Frank 1949. Je dis « en première approche » car aussi bien cet empirisme sert à une déconstructio (...)

14 Une forme radicale d’empirisme pourrait en première approche être trouvée dans une formule très connue présentée par Jerome Frank : 20  

15 dans laquelle D représente la décision (juridictionnelle), P désigne la personnalité du juge et S les stimuli que celui-ci reçoit. Je partage sur plusieurs points la posture de Frank : il n’existe pas de règles obligatoires (et donc de connaissance du droit) a priori (le droit est quelque chose qui ne peut être approché qu’à partir de discours réels prononcés par des individus réels : la position de Holmes pour faire court) ; la décision du juge résulte d’une réaction subjective à des stimuli divers. Toutefois, l’équation de Frank me paraît présenter de manière trop simple et insuffisante les phénomènes qui nous intéressent : parce qu’elle évacue totalement l’idée de norme, elle n’évite pas de sombrer dans une simple sociologie empirique et ne fournit pas une théorie de la régularité des décisions au-delà de la subjectivité des décideurs. Or il paraît assez clair que tant les juges que les justiciables par exemple produisent des discours qui intègrent l’idée de norme. C’est une chose de dire que les normes n’existent pas comme devoir-être (ce que je comprends par Rule scepticism ) ; c’en est une autre de dire que les normes n’existent pas dans les discours factuels (que n’existe pas une idéologie normative) et que les comportements des individus ne tiendraient pas compte de cette idéologie, quelle que soit par ailleurs la représentation qu’ils s’en font.

16 Il me paraît dès lors nécessaire de compléter l’approche de Frank pour qu’elle puisse servir le projet empiriste. Il faut notamment réintégrer et préciser certains points : quel est exactement le point de départ des propositions (les faits empiriques sur lesquels on travaille) (§ 2.1) ; quel est le concept de norme utilisable pour ce projet (§ 2.2) ; quels sont les éléments de fait qui sont les causes de régularité cohérentes dans une démarche descriptive-explicative (§ 2.3) ? Je ne crois pas que l’on puisse pour tenir compte de toutes ces questions réduire très exactement à une équation sur un modèle mathématique ce qui est en jeu : je ne me servirai donc de la modélisation que propose Frank que par analogie, pour indiquer les points de sa formalisation qui m’apparaissent comme non saisis.

2.1 Les faits empiriques. Ils sont connaissables et vérifiables

17 Ces faits sont relativement complexes et il importe de les identifier dans une typologie, et de les articuler dans une théorie.

18 J’appelle acte de concrétisation ( Ac ) une décision ( D ) formalisée ou implicite (auquel cas elle se révèle dans une action matérielle) par laquelle effectivement une autorité (quel que soit le sens que nous pourrions donner à ce concept) tranche une question de fait en donnant des raisons juridiques. Je ne considère pas dans mon analyse que la règle soit autre chose qu’une norme ( N ). La norme (comme catégorie) ne se limite pas à la juridicité (à la norme juridique) : j’entends ici par norme, pour les besoins de l’analyse, seulement une norme qui est présentée comme étant une norme du droit (je reviendrai sur ce point sous 3 ). Tout acte de concrétisation me paraît être de la forme :

Ac = D parce que N
  • 21 La motivation des actes juridiques en est le prototype pour ce qui est des raisons données. Il re (...)

19 Je tiens ceci pour assez évident : l’individu qui prétend détenir un droit, faire respecter une obligation qu’il dit juridique, exercer un pouvoir qu’il assure détenir du droit, donne ou doit pouvoir donner des raisons que nous considérons comme juridiques à sa prétention, c’est à dire qui se présentent sous cette forme. L’autorité à laquelle on s’adresse pour lui demander de trancher juridiquement une question doit aussi pouvoir donner des raisons de cet ordre, et le fait très généralement. 21  Si ces raisons ne nous apparaissaient pas, ou si à l’analyse nous constations qu’il n’est pas possible de les faire apparaître, nous aurions de sérieux doutes sur le fait que c’est de droit qu’il s’agirait.

20 Il ne s’agit en rien d’un critère a priori  de ce qu’est le droit : je ne saurais dire s’il est vrai que c’est du droit, ou si c’est du droit vrai. De telles assertions ne sont pas susceptibles de vérité ou de fausseté. Je vois en revanche que l’idéologie normative constatable dans nos sociétés nous fait percevoir (interpréter) comme du droit certains faits ; que dans nos sociétés la plupart des personnes ressentent comme socialement « obligatoires » des actes dès lors qu’ils apparaissent ainsi, avec de telles raisons perçues elles-mêmes comme juridiques. Et je ne vois aucune raison, ni aucun moyen, de ne pas partir de cette idéologie normative pour une étude empiriste.

21 Il me paraît impossible néanmoins de trancher empiriquement certaines questions liées à l’acte de concrétisation. C’est le cas d’une question de ce type : ces raisons sont-elles bonnes, correctes, justes, etc. (c’est-à-dire relative à l’application logique de N) ? ; pour pouvoir répondre à cette question, il faudrait disposer d’une connaissance particulière de N a priori , dont nous ne disposons pas par méthode empirique ; et d’une connaissance a priori des valeurs. Pour cette même raison, il n’est pas possible de décider ici si l’autorité était obligée de décider ainsi ou si d’autres possibilités lui étaient permises (par opposition à interdites et non à possibles). Enfin, je ne crois pas non plus possible (et même utile pour la science du droit) de chercher à savoir si l’autorité croyait réellement devoir décider ainsi (si empiriquement, elle a perçu une obligation). Il est simplement nécessaire dans une théorie du droit empiriste de comprendre que ces questions sont de vraies questions, mais qu’elles ne peuvent être décidées.

22 Sur la critique duquel on lira les éclairantes analyses de Brunet (2004 : 197 et s).

22 Dans l’acte de concrétisation, ce qui intéresse la science du droit est donc l’existence d’un discours (puis d’un ensemble de discours), formalisé (motivation) ou implicite (mais formalisable) qui avance une raison justifiant la décision, quelles que soient les raisons et la décision. C’est donc le bloc « D parce que N » (c’est-à-dire très exactement Ac ) qui ne peut être distingué en 3 éléments séparables : la décision, la norme, et le lien entre la décision et la norme. Par ailleurs, le « parce que » ici ne peut pas renvoyer à une déduction logique même s’il le prétend (syllogisme). 22 D est un fait pratique connaissable : je fais ceci. N est un modèle de référence : parce que j’affirme avoir le droit (ou l’obligation) de le faire. En réalité me semble-t-il, le bloc ainsi identifié ne traduit pas une justification de la logique déontique mais est parfaitement performatif (par la décision, la norme est performée).

23 L’important comme je l’ai dit est que pour apparaître juridique, l’autorité doit rendre une décision apparaissant comme juridique, c’est-à-dire donner des raisons qui apparaissent elles-mêmes comme juridiques. Si elle ne donne pas des raisons de cet ordre, l’autorité n’est pas perçue comme rendant une décision juridique (donc elle n'est pas perçue comme une autorité juridique). Il y a là une contrainte forte, qui peut être appréhendée dans une théorie causale de la régularité. De plus, du point de vue d’une théorie de la science du droit, si l’autorité ne donne pas ou ne peut pas donner des raisons juridiques, la connaissance empirique n’est pas possible (l’objet d’une telle science ferait défaut : nous pourrions décrire des comportements, et non pas les normes qui sont présentées comme le fondement de ces comportements).

24 Pour la science du droit, tous les actes de concrétisation ne revêtent pas la même capacité cognitive cependant, non plus que la même utilité. On comprend fort bien que du point de vue que je viens d’avancer, l’ordre juridique (compris comme l’état de fait correspondant à l’ensemble de normes apparaissant à un moment t dans des actes de concrétisation existants) est potentiellement immense et sans doute insusceptible de connaissance : il comprendrait toutes les norme référées à l’occasion de toutes les actions qui d’une manière ou d’une autre seraient faites par tout individu en donnant toute raison présentée ou présentable comme de droit. Ni la méthode pour cette connaissance, ni la théorisation des régularités ne seraient sérieusement envisageables. L’idée même d’un ordre juridique serait contestable. Par ailleurs, un tel ensemble négligerait une distinction essentielle : tous ces actes ne sont pas équivalents dans la mesure où certains peuvent factuellement être remis en cause (leur existence et leurs effets sont susceptibles d’être rapportés) alors que d’autres ne le sont pas. Ce qui importe à la science du droit est de caractériser parmi cette multitude certains actes de concrétisation permettant par reconstruction un traitement cognitif du système juridique (ce qui suppose à la fois la durée et une théorie de la durée : Kelsen fournit par exemple et pour ce qui concerne sa construction une telle théorie dans sa conception dynamique de la hiérarchie des normes), et la possibilité d’une formulation de la régularité causale et au moins probabiliste.

  • 23 L’autorité attachée à ce que les systèmes de droit écrit appellent la jurisprudence montre bien c (...)

25 Il serait envisageable de retenir alors pour identifier l’objet de la science du droit l’ensemble des actes par lesquels concrétise le droit toute autorité (individuelle ou collective, publique ou privée) qui a effectivement le pouvoir de choisir un sens et une solution, sans être contestée (ce qui ne signifie pas sans être contestable : simplement soit que le recours n’est pas factuellement envisageable, soit qu’il n’est pas factuellement effectué) par une autre autorité (ou par elle-même : recours gracieux par exemple) qui pourrait faire effectivement prévaloir un autre sens dans la solution sur le même cas. Il s’agira généralement des autorités publiques (administration, juges), mais aussi parfois d’autorités privées, notamment si elles ne sont pas contestables ou contestées. Je ne présuppose donc pas ici des autorités investies par une règle (du type des règles secondaires de Hart, V. ci-dessous sous 3 ) : je constate un fait de pouvoir, lié à un fait d’argumentation (les raisons juridiques). Il reste que cet objet même ainsi limité est encore immensément large, et que des raisons pratiques conduiront sans doute à se concentrer sur les actes des seules autorités publiques, et parmi elles de celles auxquelles on s’adresse pour trancher les litiges (les juges, parfois les administrateurs ou les gouvernants au sens large), en raison de la publicité et de leur place dans la constitution de l’idéologie normative : donc en dernière instance par le fait que leur énonciation de la norme dans l’acte de concrétisation n’est pas uniquement performative mais prend à son tour la forme d’une directive pratico-morale. 23 C’est en cela que l’on parle à leur propos d’interprétation authentique ou d’autorités authentiques. Il importe cependant de ne pas perdre de vue que cette restriction pratique conventionnelle n’a pas d’autre fondement théorique, et donc que les propositions descriptives qui en résulteraient ne sont pas généralisables sans précaution : elle ne reposent que sur une théorie de la régularité qui doit donc être fournie (ce que ne fait pas Frank).

  • 24 J’emprunte ici la typologie de Guastini (2014), qui n’envisage pas cependant l’hypothèse d’un cad (...)

26 Une norme est la signification d’une prescription (obligation, permission, habilitation, etc.). Une norme juridique est explicite lorsqu’elle constitue le choix d’une interprétation d’un énoncé présenté comme juridique (constitution, loi, contrat, etc.), dans un cadre d’interprétation acceptable d’un point de vue strictement linguistique, hors toute considération axiologique (ici le pouvoir de création de la norme est partagé ou conditionné avec une autorité autre que l’autorité de concrétisation, celle qui énonce). 24 Elle est implicite lorsqu’elle ne constitue pas le choix d’une interprétation d’un énoncé (création monopolisée), soit qu’elle sorte du cadre d’interprétation acceptable, soit qu’elle se fonde sur autre chose (des principes non écrits par exemple pour faire référence à des exemples en usage dans les actes de concrétisation des autorités juridictionnelles françaises), alors même que l’acte de concrétisation est présenté comme juridique. L’intérêt d’une telle distinction tient à la fois à l’appréciation et à la qualification des pouvoirs de fait (création conditionnée ou non) et à l’appréciation des contraintes du point de vue prospectif.

27 La fonction de la science du droit (conçue comme une analyse critique du langage) serait idéalement d’élucider et de formaliser les normes N en répondant notamment aux questions suivantes, en reprenant le discours (performatif et non descriptif) « D parce que N » :

  • 25 Ces exemples n’ont évidemment pour aucune autre fonction que de montrer à la fois que les juristes (...)

dans l’hypothèse d’un acte de concrétisation implicite (par exemple : quand mon voisin rentre chez moi en mon absence sans mon autorisation et éteint le feu qui s’y était déclaré), éventuellement (et si c’est utile et possible) : quelle est la norme effectivement utilisée dans le discours possible (formulation du discours : « j’ai le droit ou l’obligation de pénétrer chez autrui dès lors que c’est nécessaire à la sauvegarde de ses biens, ou des miens, ou de la sécurité collective ») ? 25

dans l’hypothèse d’un acte de concrétisation formalisé, éventuellement (et si c’est utile et possible) : est-ce que la norme invoquée correspond effectivement ou non à la norme utilisé (et la reformulation de cette norme si nécessaire, utile ou possible) ? Ceci appelle quelques précisions. J’ai dit plus haut que dans l’expression « D parce que N », le « parce que » n’était en rien le fruit d’une opération logique. Il demeure que du point de vue d’une analyse critique du langage (la science du droit) cette expression se prétend généralement et doit apparaître comme logique. Une analyse critique du langage n’a pas à décider de la possibilité ou non de la déduction logique (ce qui relève d’une théorie qui devrait sans doute affirmer que la seule déduction logique envisageable consisterait en réalité non à déduire de la norme générale le fait pratique, mais la norme individuelle à partir de laquelle le fait pratique apparaît justifié) ; en revanche, elle doit montrer à quelles conditions l’opération prétendue pourrait être comme logique, ce qui suppose, le seul fait empirique étant l’acte de concrétisation, une reconstruction jusqu’à la majeure prétendue (du point de vue empiriste, l’absence de présupposition de la norme rend l’acte de déduction impossible). Un cas pathologique appelant une telle reformulation peut se rencontrer lorsque nous rendons compte d’actes de concrétisation dans lesquels une contradiction logique peut être dévoilée : par exemple lorsqu’une autorité exprime qu’elle maintient tel individu en prison parce que la loi lui fait obligation de libérer tous les individus. Mais beaucoup plus fréquemment, la reformulation est nécessaire parce que la norme avancée est la simple reproduction de l’énoncé que l’autorité prétend appliquer (ce qui laisse entière la question de la signification de l’énoncé, c’est-à-dire de la norme) : par exemple lorsqu’une autorité décide qu’une reconduite à la frontière est légale parce qu’elle ne constitue pas au regard des exigences de la protection de l’ordre public une ingérence disproportionnée dans la vie familiale de la personne étrangère visée par l’acte (généralement, la motivation exprimera que l’acte ne porte pas atteinte à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ) ; il importe alors de comprendre et d’établir ce qu’est la norme, c’est-à-dire ce qui résulte, à partir de la solution concrète, comme la signification de l’article 8 ; formuler le plus exactement sous forme normative au regard donc de cet acte de concrétisation (vérifiable dans d’autres actes de concrétisation) quelles sont les ingérences, quelles sont les exigences de l’ordre public, quelle est la vie familiale, etc., qui autorisent ou non une reconduite à la frontière.

dans toutes les hypothèses, est-ce que la norme N apparaît comme formalisable (ce qui est fonction des cas d’espèce étudiés et ne comporte aucun élément d’évaluation autre que structurel) ? Sans possibilité de formaliser ainsi, il serait en effet impossible d’affirmer la teneur de cette norme et donc de dire que cette norme existe, est en vigueur ; de dire que cette norme sera réutilisée (reproductible) ; de vérifier l’affirmation de l’existence de cette norme.

dans toutes les hypothèses, quelles sont les raisons de causalité qui pèsent sur la détermination de la norme par l’autorité dans un acte de concrétisation (l’étude de la justification, qui contribue à éclairer la reproductibilité), et particulièrement quels sont les éléments de contraintes factuelles, notamment les contraintes juridiques liées à la configuration du système juridico-politique ? Ceci a d’autant plus d’importance que la science du droit est sollicitée de manière souvent prospective, à partir d’énoncés non encore concrétisés, pour en déterminer le contenu normatif (selon les méthodes classiques de la linguistique appliquée : significations syntaxique, sémantique, systémique et éventuellement détermination axiologique).

28 Le droit (au sens d’objet de la science du droit dans cette perspective) peut être conçu comme l’ensemble des normes (effectivement utilisées ou en vigueur) ainsi identifiées ; et non des actes de concrétisation ou des sources (comme on le dira au point suivant). Une approche empirique considère à ce propos 4 choses :

le droit est un ensemble de normes générales et individuelles appuyé par les deux points suivants : l’existence d’un ensemble d’autorités disposant du pouvoir d’imposer une pression sociale et physique (ce qui distingue le droit d’autres systèmes normatifs), ce pouvoir se traduisant par la possibilité de fixer les normes, de les faire évoluer et d’en obtenir la mise en œuvre concrète ; la pseudo-rationalisation par des individus (ces autorités et/ou les membres du corps social) de ces normes sous la forme de la validité (ces normes sont considérées comme obligatoires ; ce qui doit se différencier à la fois de l’idée que ces normes sont impératives – une norme permissive est perçue comme obligatoire – et de l’idée que ces obligations existent isolément de pareille incorporation : c’est ce que j’entends par idéologie normative).

Une norme explicite est la signification d’un acte de volonté : un acte de pouvoir qui propose au moyen d’une énonciation linguistique un modèle de ce qui doit être (la loi par exemple telle qu’énoncée par l’organe législatif au terme de la procédure parlementaire). L’énoncé dont on prétend que la norme est la signification est très généralement une directive, c’est-à-dire une prescription pratico-morale destinée à faire faire des actions réelles par des individus réels (adopter des conduites, jusque et y compris une conduite pour les organes de concrétisation) et aussi à faire émerger chez ces individus réels une représentation de ces conduites (la croyance que ces conduites sont obligatoires).

La signification de cette énonciation (norme explicite) comme la détermination hors du cadre de l’énonciation (norme implicite) n’est pas donnée mais résulte elle-même d’un acte de volonté : l’interprétation par une autorité de concrétisation ou la détermination à partir de sources non formalisées.

La connaissance de la norme existante (norme effectivement utilisée, norme en vigueur) ne peut se faire qu’au travers de la connaissance critique des actes de concrétisation.

29 Il apparaît clairement que dans cette perspective, les normes constituent l’objet d’une science empirique qui ne présuppose pas leur existence comme fait. Le fait réside dans une idéologie normative que l’on connaît au travers d’actes empiriques, les actes de concrétisation. La vérification de toute proposition décrivant les normes réside donc dans la vérification d’un pronostic : celui selon lequel dans des actes de concrétisation futurs, la norme prétendue comme existante sera présentée comme fondement (énoncée ou énonciable). Il est évidemment nécessaire à ce stade de définir des processus de vérification acceptables, notamment quant aux panels d’actes à prendre en considération et quant à la marge d’erreur tolérable pour définir une connaissance.

2.2 Deux questions à propos de la norme

30 La norme N telle qu’apparaissant dans D parce que N résulte effectivement de la perception par l’autorité de concrétisation d’un certain nombre de stimuli. L’équation de Frank ne me paraît pas concerner l’acte de concrétisation mais la norme, et non comme identité mais comme résultat :

31 dans laquelle P désigne la personnalité (subjectivité du juge) et S les stimuli qu’il reçoit. En ce sens, P et S sont des faits, et des causes de l’affirmation que N est la norme.

32 Comme nous l’avons vu, la question empirique de P échappe sans doute à la science du droit et relève (pour autant qu’elle puisse faire l’objet d’une connaissance empirique) d’un savoir psychologique. La science du droit ne peut que constater l’existence dans un discours factuel de la norme N comme raison avancée et éventuellement (re)formuler N . Elle ne peut en aucun cas déterminer quels sont les stimuli effectivement reçus (ni même perçus ce qui revient pas aux mêmes car des stimuli peuvent être inconscients), ni comment l’autorité a effectivement réagi aux stimuli pour parvenir à la norme N .

33 La question des stimuli S recouvre la question des sources du droit pour une théorie empiriste des sources du droit : à partir de quoi (les sources) l’autorité de concrétisation donne la signification prescriptive N (droit) dans l’acte de concrétisation ? On peut utiliser pour une théorie de cet ordre une typologie simple

S = S( f ) + S( cf ) + S( inf )

34 dans laquelle :

  • 26 Il se peut que les énoncés puissent remplir d’autres fonctions, notamment performatives. Tel sera (...)

S(f) désigne des sources formalisées (des énonciations) tenues pour valides à raison de la procédure de leur énonciation (elle-même tenue pour valide) : des actes ayant la forme juridique (constitution, lois, décrets, contrats, traités, etc.). Ces énonciations constituent des directives ou commandements autonomes adressés à des autorités de concrétisations (elles sont destinées à faire faire, c’est-à-dire à concrétiser dans tel sens). Elles constituent aussi des énonciations pratico-morales à raison de leur contenu (des prescriptions). 26

  • 27 Ce que le juge Jackson dans la décision de la Cour Suprême des Etats-Unis Brown v. Allen (1953) e (...)

S(cf) désigne des sources que je dirais «  conformalisées  », telles que les coutumes, les précédents de concrétisation (la jurisprudence au sens français, la doctrine administrative, l’éthique ou la déontologie professionnelle ou de l’entreprise, etc.). Les raisons pour lesquelles elles sont tenues pour valides peuvent être variables (efficacité, conformisme, etc.). Par exemple, la hiérarchie des autorités juridictionnelles (ou administratives), c’est-à-dire aussi la possibilité d’une remise en cause de l’acte de concrétisation, joue sans doute un rôle important de contrainte causale au conformisme : on tient pour norme par peur de la remise en cause celle décidée antérieurement et supérieurement (il n’en demeure pas moins que la vraie question est liée au fait que l’autorité ultime – celle contre laquelle le recours n’est plus possible – ne subit pas cette contrainte). 27 De même la contrainte d’une maîtrise du flux contentieux ne saurait être négligée autour de l’idée d’efficacité qui peut présider au conformisme.

S(inf) désigne des sources «  informalisées  », qui sont tenues pour valides pour d’autres raisons. Il s’agit par exemple de sources idéologiques, sociales, etc. Toute une série d’idées constitutives de l’idéologie professionnelle (juridictionnelle en premier lieu : qu’est-ce que la justice ?) sont notamment à prendre en considération : les idées de sécurité juridique, de non-contradiction ou de cohérence par exemple.

35 J’emploie « tenues pour valides » dans le même sens dans ces trois définitions : elles sont perçues (par P ) comme obligatoires (pour les sources informalisées, c’est le sentiment de justice notamment qui les rationalise en sentiment d’obligatoriété). Comme on le verra au point suivant, c’est donc un critère rossien de la validité : elles sont perçues comme socialement obligatoires.

36 Par ailleurs évidemment, selon les cas, le rôle respectif et effectif de ces sources est très variable et il ne peut pas être empiriquement déterminé. Il n’intéresse la science du droit que comme désignant les éléments de causalité de la norme N et rendant compte de l’écart entre le soi-disant énoncé clair d’une source formalisée et la signification que constitue effectivement cette norme N dans l’acte de concrétisation. Eventuellement, il permet de qualifier le rôle de la subjectivité de P dans la formulation de la norme N (est-ce que la conjonction des sources S(conf) et S(inf) fait-elle ou non sortir la norme N du cadre linguistique d’interprétation de S(f) sur des bases sémantiques, syntaxiques et logico-systémiques ? quel cadre axiologico-analytique en résulte ?). L’interprétation de l’énoncé (acte de volonté) dans l’acte de concrétisation me paraît la démonstration la plus simple de l’impossibilité de considérer que les sources puissent se limiter à des éléments formels.

2.3 Observations sur la régularité

37 Puisque la norme N telle que définie résulte du (est causée par le) rapport de P à S, et que ces questions échappent assez largement à la possibilité d’une description, il serait tentant soit d’en déduire qu’une science du droit n’est pas possible, soit qu’il n’y a pas de régularité (ce qui pour une autre raison nierait la possibilité d’une science du droit). La première branche de l’alternative peut être écartée en rappelant que si le monde est l’objet que décrit la science, il est tout à fait possible que nous ne puissions pas pour autant décrire tout ce qui constitue ce monde, et en constatant que sur le fondement d’une posture positiviste et empiriste un corpus cognitif existe. La seconde doit être écartée car les faits montrent au moins deux éléments de régularité : régularité dans les comportements et régularité dans les raisons normatives. Et à vrai dire, cette régularité est postulée par les réalistes alors même qu’ils affirment un scepticisme à l’égard des règles au travers notamment de l’idée de pronostic : affirmer que telle prescription constitue du droit valide (en vigueur, existant) revient à pronostiquer que cette prescription sera avancée comme motif à la décision dans un futur acte de concrétisation.

  • 28 Ross (1959 : 18). (Sur la traduction de « valid law » par droit existant, cf. Ross ( 2004 : 160–16 (...)

38 Le droit qui existe (valid law) signifie l’ensemble abstrait d’idées normatives qui servent comme guide d’interprétation pour le phénomène du droit en action, ce qui signifie à son tour que ces normes sont effectivement suivies, et qu’elles sont suivies parce que l’on perçoit et que l’on fait l’expérience qu’elles sont socialement obligatoires. 28

39 Il est sans doute possible de formuler quelques raisons à ce que les normes soient effectivement suivies par le corps social dans son ensemble (c’est-à-dire avec une marginalité acceptable, tant socialement que surtout de notre point de vue cognitivement : afin d’élaborer un processus de vérification) : elles relèvent pour l’essentiel d’une théorie socio psychologique de la réception du discours prescriptif. Il est tout sauf original de rappeler à ce propos que jouent dans des proportions variables selon les individus des phénomènes physiques (la pression du pouvoir, qui s’incarne dans la sanction), des phénomènes sociaux (et notamment la critique sociale portée à l’encontre de certains comportements) et des phénomènes de croyance (notamment l’idée de légitimité du pouvoir, l’idée d’obligation et le sens moral) qui se manifestent dans une démarche de pseudo-rationalisation reconstruisant l’ordre humain comme norme valide ; et il est banal de souligner que l’éducation (notamment morale), la culture, l’information participent fortement de cette démarche de pseudo-rationalisation. Il n’apparaît guère douteux que la plupart de nos concitoyens sont persuadés qu’il existe des obligations, que nombre d’entre eux s’y soumettent (pour des raisons très variables) alors que pour d’autres il s’agit simplement de comprendre que ces obligations acceptées par d’autres sont des éléments à prendre en compte ; et il est vraisemblable que derrière cette représentation d’obligations, ce sont des énoncés du pouvoir, c’est-à-dire des directives pratico-morales, et encore davantage (au moins dans une démocratie) derrière ces directives l’idée de la légitimité même du pouvoir et de la procédure d’énonciation qui constituent le fondement de cette représentation de validité, davantage qu’une théorie de la norme.

29 Troper, Champeil-Desplats, Grzegorczyk 2005.

40 Pour autant, cela n’intéresse qu’indirectement la science du droit et c’est à une autre conception de la régularité qu’elle doit s’attacher : celle de la régularité des supports normatifs avancés pour des actes de concrétisation, c’est-à-dire à la construction de l’idéologie normative d’un corps professionnalisé. Elle doit en effet répondre à la question suivante : comment passe-t-on de la subjectivité de la norme avancée dans l’hypothèse théorique empiriste ( PxS ) à une régularité constatée dans les actes de concrétisation (sans laquelle par ailleurs la formalisation de la proposition descriptive selon laquelle cette norme existe, et la vérification de cette proposition seraient impossibles), et particulièrement dans les actes de concrétisation qui l’intéressent parce que, tant par leur situation stratégique (et notamment comme on l’a dit le fait que ces actes ne sont pas contestables ou contestés au nom du droit) que par l’autorité sociale que le corps social d’une part, professionnel d’autre part, y attache. La question peut être appréhendée sociologiquement. Elle peut surtout être appréhendée plus spécifiquement du point de vue de la relation causale entre un fait (notamment un énoncé) et une autre fait (qui est un énoncé portant sur des normes). C’est ce que se propose de faire dans le cadre de la théorie réaliste de l’interprétation la théorie des contraintes juridiques. 29

41 L’hypothèse de cette théorie est que si la détermination de la norme est possible librement en ce qu’elle résulte d’un acte de volonté (une décision : PxS → N), des causes rendent compte de ce que le champ des possibles est restreint factuellement et expliquent la régularité dans la constitution de l’idéologie normative (l’intersubjectivité). Ces causes sont fort nombreuses. Pour une théorie de la science du droit, il s’agit d’identifier particulièrement des causes qui seraient liées au système juridique.

42 Les contraintes qui aboutissent à la norme N peuvent alors être formalisées comme intervenant dans le processus de reproduction (généralement, mais également dans le processus de première production) : analytiquement, sur l’hypothèse d’une certaine rationalité du juge (la conscience du contexte et des conséquences de ses choix) dont on sait qu’elle n’est pas empiriquement vérifié ; théoriquement en introduisant les contraintes dans le processus de détermination de N et en proposant une typologie des contraintes identifiables, de même qu’une définition ; empiriquement éventuellement en mettant en évidence certaines contraintes effectives.

30 V. par exemple Millard 1996.

  • 31 Et il ne faut pas négliger que l’acte de concrétisation, du moins tel qu’il intéresse la science (...)

43 Il convient dans une typologie de distinguer des contraintes non juridiques (politiques, etc.) de contraintes juridiques. Au sens faible, contraintes juridiques signifie liées au système juridique au sens large. On inclut par exemple 3 contraintes : le fait que des autorités de concrétisation sont placées sous l’autorité hiérarchique d’autre autorités qui ont un pouvoir sur elles (carrière des juges, pouvoirs hiérarchiques au sein d’une administration, pouvoir d’évocation ou de révision en appel ou cassation, etc.) ; le fait que des autorités en fonction de leurs interprétations auront à faire face à un plus ou moins grand flux de décisions à rendre (liées à l’imprécision ou à la précision de la perception normative, et notamment au travers de sa formulation) ; le flux contentieux liés à la décision (que l’on rencontre par exemple lorsqu’une autorité ultime peut remettre en cause une interprétation normative soutenant un acte de concrétisation mais ne le fait pas parce que le recours à cette autorité ultime va apparaître comme un moyen efficace de contester une multitude d’actes de concrétisation, contestations auxquelles l’autorité ultime ne peut faire face : l’exemple de la Cour européenne des droits de l’homme en fournit parfois un cas de figure visible). 30 Au sens fort, les contraintes juridiques sont liées à la configuration du système au sens strict, c’est-à-dire à la construction par des actes de concrétisation d’une représentation de l’ensemble des normes N comme système (notamment sous forme de hiérarchie des normes) et du processus des actes de concrétisation ( D parce que N ) comme répondant (au moins en partie, dans la déduction de la norme particulière) à une opération de subsumption (la validité juridique au sens kelsénien par exemple). En ce sens seront des contraintes : l’existence et la publicité de justifications concurrentes (parties, 31 doctrine, juge dissident, commissaire du gouvernement) que l’on ne peut écarter qu’au prix d’une autre justification plus difficile à formaliser ou à rendre publique ; le sens préalablement retenu pour d’autres concepts ou énoncés que l’on ne peut négliger qu’au prix de la contrariété ; etc.

32 Millard (2005 : 143–154).

  • 33 Plus exactement, il m'apparaîtrait opportun de prendre en compte une problématique du coût : les (...)

34 Troper, Champeil-Desplats, Grzegorczyk (2005 : 15).

44 J’avais, sans douter de l’extrême importance de cette construction théorique, émis quelques réserves sur la dimension non empirique qu’elle pouvait avoir aux termes de certaines formulations. 32 Du point de vue du lexique par ailleurs, il m’apparaîtrait à certains points de vue préférable de parler parfois de coût (tant symbolique que réel) plutôt que de contraintes en raison de la polysémie de ce terme d’une part (le risque de confusion entre contraignant et obligatoire) ; d’autre part en raison de l’aspect mécanique perçu (la contrainte n’interdit pas le choix mais suppose simplement d’en assumer – coût – les conséquences). 33 Le coût désigne le fait que telle norme ( N’ ) apparaît ( PxS ) plus onéreuse que la norme ( N ) et donc qu’à cause de cette perception ( PxS ), l’autorité de concrétisation va retenir N et non N’ , alors que les deux sont factuellement possibles. Il demeure que parler d’idée de coût suppose que le coût soit perçu comme tel, ce qui limiterait sans doute la catégorie des contraintes, et éloignerait sa théorie des prémisses voulus par ses concepteurs. Michel Troper, pour sa part, parle parfois de sa conception réaliste comme d’une science empirique insusceptible de vérification empirique (en partie ou pour certains points) 34 . S’agissant de la question des contraintes juridiques, il s’agit pour lui de souligner que la théorie des contraintes est une « reconstruction théorique rationnelle ». L’expression « science empirique insusceptible de vérification empirique » signifie alors deux choses différentes :

45 1°) Une science critique du langage juridique : une science qui décrit des normes telles qu’elle les connaît au travers d’actes du langage (des faits, et en ça cette science est empirique : des décisions, des jugements, des contrats, etc.). Il est tout à fait possible de considérer par raccourci le point suivant : en tant que méta langage, la science du droit parle des normes et produit des propositions sur celles-ci qui ne peuvent être vérifiées (empiriquement). Mais ce qui ne peut-être vérifié empiriquement, c’est la norme objective, existante, comme séparée du discours. Cette norme n’est pourtant qu’indirectement et par facilité l’objet de la science juridique : l’objet véritable de la science ainsi conçue, c’est bel et bien le discours, et celui-ci est un fait empirique, qui peut être vérifié (d’autant plus utilement que l’on affirme que la norme est une signification résultant d’un acte de volonté). Lorsqu’une proposition de (la science du) droit énonce : « il est obligatoire que x  » (par exemple), elle ne dit pas qu’il est obligatoire que x , mais seulement que aux termes d’un certain discours (un discours pertinent selon des critères qu’il appartient bien sûr à une théorie empiriste d’élucider) x est obligatoire. La vérification comme l’affirmation ne portent pas sur le caractère obligatoire de x sans plus de précision, mais sur un fait : le discours. Certes, la science du droit est un petit peu plus qu’une paraphrase (à quoi ne peut se résoudre la linguistique appliqué, comme il a été dit) et un petit peu autre chose qu’une sociologie (en quoi ne saurait se dissoudre une théorie générale du droit comme fait, comme on le verra sous 3 ) : ce n’est pas la présence d’un énoncé qui l’intéresse, mais des propositions d’interprétation d’actes de concrétisation et d’énoncés conjugués pour être interprétés comme des normes (quelque chose qui a donc à voir avec un système juridique ou une hiérarchie de normes) ; et c’est pour cet objet qu’il faut (et qu’on peut) concevoir un processus de vérification. De manière générale Michel Troper conçoit la science du droit ainsi ; il écrit notamment que sa théorie

35 Troper (2002 : 353). On retrouve les mêmes idées dans Troper (2003a : 62–63). montre […] clairement la possibilité d’une science du droit conçue sur le modèle des sciences empiriques. Une science dont l’objet est bien la norme, mais la norme conçue non comme un devoir-être, mais comme un fait, un énoncé. Ce fait reste un fait spécifique : la science du droit décrit les énoncés dont l’objet est de déterminer la signification normative d’autres énoncés. 35  

46 Je partage totalement ce point de vue (et les arguments présentés à son appui) et c’est cela que j’appelle empirisme.

47 2°) Dans un second sens, cette expression désigne le fait que certaines hypothèses d’une théorie empirique ne seraient pas vérifiables, et notamment les éléments de causalité (les contraintes) dans une conception de la régularité :

36 Troper, Champeil-Desplats (2005 : 5). l’explication par les contraintes est le produit d’une interprétation – Paul Veyne dirait une rétrodiction – […] l’expert recherche les causes probables sans remonter très haut dans la chaîne causale. L’expert n’est pas toujours en mesure de vérifier son récit. Nous n’avons pas de certitude et il nous faut nous contenter de présomptions. 36

48 De là viendrait que l’on affirme que l’on ne peut pas vérifier empiriquement qu’une contrainte s’est exercée, et que la théorie comme rétrodiction mobilise un modèle qui n’est pas un modèle empirique, et un acteur qui n’est pas un acteur réel.

37 V. notamment Millard (2005 : 143–154).

49 Cela me paraît mériter discussion. 37

50 Sans doute la science du droit ne s’attache-t-elle pas à décrire des contraintes dont on peut dire empiriquement qu’elles aient été toujours perçues comme telles par l’autorité de concrétisation, ni qu’elles sont affirmées ou assumées par l’autorité de concrétisation. La science du droit ne prétend pas décrire les processus de décisions mais propose dans une analyse de la causalité une interprétation du système pour rendre compte de décisions effectives dans ce système, et surtout d’argumentations normatives en soutien à ces décisions. En ce sens, je comprends bien que les contraintes, selon cette théorie, peuvent ne pas être réellement perçues, car elles sont avant toute chose et toujours une cause qui réside dans l’état du système tel que pourrait le concevoir un sujet idéal ; ce qui signifie que pour la théorie des contraintes, ces contraintes sont nécessairement supposées. Mais elles fournissent un modèle pour élaborer dans la démarche de rétrodiction des hypothèses permettant d’interpréter des comportements réels, et ces hypothèses peuvent être vérifiées : si le modèle ne permet pas d’élaborer ce type d’hypothèses, la théorie serait de bien peu d’utilité ; et si les hypothèses que nous élaborerions étaient falsifiées, nous ne retiendrions pas véritablement l’idée qu’il existe une contrainte comme cause de la décision. Cela signifie donc que nous devons discuter simplement de la question suivante : si les contraintes nous fournissent un modèle permettant d’élaborer une hypothèse qui comprend la désignation d’une ou plusieurs contraintes, et que nous vérifions empiriquement, pouvons-nous vraiment parler de science empirique insusceptible de vérification ?

51 Il me paraît que la réponse est dans la question elle-même. Affirmer qu’existent ou qu’ont existé des contraintes dans le processus de concrétisation (et particulièrement dans l’acte de volonté par lequel la norme est affirmée) ne peut renvoyer qu’à des contraintes réelles ; parler de contrainte revient à formaliser une hypothèse (une cause intelligible de la concrétisation normative) qui doit pouvoir être vérifiée dans la reproduction des faits discursifs.

38 Troper, Champeil-Desplats (2005 : 2–3).

52 Dire que l’on peut vérifier l’existence d’une contrainte ne signifie pas, dans le cadre d’une science dont l’objet est un langage, que l’on vérifie que l’auteur du discours étudié prétend ou non avoir subi une contrainte. D’une part, on l’a dit, il n’est pas nécessaire que la contrainte soit perçue comme telle pour que la contrainte existe (une contrainte réelle n’est pas une contrainte réellement perçue comme contrainte), d’autre part le discours n’est ni aveu ni description de son propre processus d’édiction : la perception de son auteur peut être fausse, ou bien il peut mentir, ou bien il peut ne pas comprendre les contraintes du système (ce qui ressort assez bien de la métaphore proposée du joueur d’échec : 38  la contrainte résultant d’une règle stratégique, par opposition à une règle constitutive, faisant que parmi plusieurs décisions possibles, une seule ou en tout cas un nombre réduit d’entre elles permet d’atteindre un effet recherché).

53 D’un autre côté, j’avoue ne savoir comment traiter une théorie qui me permettrait d’affirmer par exemple que tel concept utilisé dans un énoncé normatif ou dans une autre directive pratico-morale (motivation d’une décision de justice par exemple) est une contrainte réduisant les possibilités d’interprétation d’un autre énoncé, si je ne peux jamais voir si effectivement en pratique cela joue comme une contrainte. En réalité, je crois bien que lorsque la théorie des contraintes affirme que ce concept serait une contrainte, elle veut dire qu’elle constate que le choix retenu d’interprétation rentre dans un cadre, qui n’est plus le cadre linguistique de la théorie de l’interprétation connaissance, mais qui est le cadre pratique dessiné par les « contraintes » que désigne (« suppose ») la théorie (« une situation de fait liée à la configuration d’un système juridique »).

  • 39 Par exemple Dworkin 1995, même si évidemment le point de départ et l’objectif ne sont en rien com (...)

54 Je comprends bien que d’une décision isolée, dont nous chercherions à établir la cause dans une démarche de rétrodiction, nous ne pourrions vérifier que la contrainte a joué. Mais de la constatation de la répétition et de la régularité du choix, on peut tenir comme suffisamment vérifié, et empiriquement vérifié, que ce que nous appelons contrainte existe. Le test de la régularité est dès lors à mes yeux un moyen d’éviter à la théorie des contraintes soit de s’enfermer dans une démarche de type hypothético historique à propos de seules décisions déjà rendues, soit de basculer dans une pensée herculéenne, qui reconstruirait idéalement une pratique du droit comme rationnelle, ce qui évidemment romprait avec l’empirisme. 39

55 La question qui reste ouverte est de savoir si la contrainte ici apparaît comme une source du droit ou non, et dans l’affirmative si elle doit être incluse dans une des catégories définies ou non. Les contraintes joueraient de manière négative en empêchant un certain nombre de sources, de justifications, comme trop onéreuses. Je crois que cette conception est secondaire, et je m’en tiendrai à dire que les contraintes ne sont pas des sources du droit, mais sont en revanche des éléments qui expliquent (causent) la sélection parmi des stimuli par l’autorité (consciemment ou inconsciemment). Dès lors, je comprends que du point de vue analytique, il puisse paraître important de maintenir une séparation entre les sources et les contraintes, pour dégager notamment dans un processus de rétrodiction l’idée d’une contrainte rationalisable (en revanche, c’est ici que je considère l’approche comme encore imparfaite du point de vue empiriste : il convient comme je l’ai dit de mettre en évidence que les contraintes supposées sont réelles). Sous cette réserve, il demeure que la théorie des contraintes peut fournir un point de départ pour une élaboration cohérente d’une théorie de la régularité normative.

3 A propos d’une critique de Hart

56 Plusieurs collègues m’ont fait l’honneur et l’amitié de m’adresser à l’issue de travaux préliminaires sur les questions ici envisagées des critiques vigoureuses et argumentées, ce dont je leur sais infiniment gré. Je souhaite que pour partie les précisions que je viens d’apporter puissent lever celles qui ont trait à des ambiguïtés. Certaines autres critiques ne peuvent être discutées, notamment celles qui portent sur ma conception des valeurs comme idéologie ou de mon refus de considérer ici les normes comme objets de devoir-être. C’est l’idée même d’une posture empiriste, ou le non cognitivisme éthique, qui sont alors concernés et envisager leur défense suppose de mobiliser une ontologie lourde, qui dépasse très largement le cadre de la théorie du droit. Je me contenterai de rappeler qu’il ne suffit pas d’affirmer une certaine objectivité de la norme ou des valeurs pour performer l’objectivité : le positivisme logique a apporté certains arguments dont je ne vois pas qu’ils soient clairement réfutés dans le débat auquel il donne toujours lieu. Me contentant d’affirmer qu’est idéologique toute proposition qui n’est ni susceptible de vérification, ni susceptible de falsification, j’attends donc que l’on nous montre que les propositions portant sur les valeurs ou sur les devoir-être n’ont pas ces caractères.

40 Hart (1976 : 168 et s).

57 Stanley Paulson et Carla Huerta Ochoa ont pour leur part avancé un argument qui porte non sur la critique externe de la posture mais sur la cohérence interne d’une théorie fondée sur cette posture. Tous deux par des voies différentes se réfèrent à une critique plus générale apportée par Hart à l’encontre de la conception sceptique. 40 J’espère avoir démontré (après d’autres) que le scepticisme à l’égard des normes (dans leur existence) pouvait se concilier avec une science qui décrit des normes telles qu’elles apparaissent dans des discours. Je crois surtout que cette critique traduit une difficulté propre à la théorie de Hart et qu’elle n’affecte pas la cohérence d’une théorie empiriste.

41 Hart (1976 : 10).

42 Hart (2000 : 43–50).

58 Une des curiosités de la très importante théorie du droit de Hart explique sans doute qu’elle ait pu donner lieu à des reformulation sur des bases aussi opposées que le réalisme et le normativisme : d’un côté, Hart explique qu’il conçoit sa théorie analytique comme un essai de sociologie descriptive ; 41 d’un autre côté Hart a réfuté très vigoureusement les tentatives de lecture réaliste de son travail. 42 Tenir cette posture m’apparaît difficile et je crois que l’argument sur lequel s’appuient Stanley Paulson et Carla Huerta Ochoa témoigne de cette difficulté.

59 La critique de Hart me semble reposer sur des arguments relevant de deux groupes. Le premier (formulé dans le Concept de droit et repris dans Sur le réalisme scandinave ) contient une critique radicale d’une certaine conception sceptique (celle notamment qu’incarnerait Frank : la négation de toute idée de règle et l’invocation d’une certaine forme de pragmatisme), mais aussi une acceptation limitée d’une conception modérée du scepticisme (donc aussi une critique modérée de ce scepticisme). Le second porte sur la science du droit d’un point de vue sceptique. Je partage et comprend certains des arguments relevant du premier groupe, mais j’admets ne pas comprendre la logique qui le conduit à proposer les arguments du second groupe.

43 Hart (1976 : 168–174).

44 Hart (1976 : notamment 78–79).

60 La forme radicale de scepticisme que vise Hart 43 réside dans l’attitude consistant à dire que les règles n’existent pas et que le droit consiste simplement dans les décisions des tribunaux et la prédiction qu’on peut en faire. Hart note d’abord qu’il y a une incohérence certaine à afficher un scepticisme à l’égard de l’ensemble des règles et à parler de tribunaux, c’est-à-dire d’autorités instituées par des règles (secondaires). Autrement dit à faire des énoncés sur un objet primaire des sources du droit et des énoncés sur un objet secondaire des règles (je reviendrai plus loin sur les raisons de cette caractérisation que j’introduis ici). Il observe avec raison ensuite que dans la vie sociale, les règles juridiques sont utilisées comme des règles, c’est-à-dire auxquelles des individus se réfèrent pour déterminer leur conduite et pour la critique des conduites (la leur ou celle d’autrui). Il en déduit qu’elles ne sont pas utilisées dans cette vie sociale comme des descriptions d’habitude ou des prédictions. En cela, Hart s’appuie sur la distinction des deux aspects de la règle qu’il a largement contribué à mettre en évidence : l’aspect externe qui se traduit par la régularité de comportement, et l’aspect interne, qui se traduit par la référence à un modèle général de comportement. 44

45 Gray 1921. Voir aussi la citation de Jackson note 27.

61 Les formes modérées envisagées par Hart sont principalement celles qui appréhendent la texture ouverte des règles (elles sont interprétées dans le cas concret) et celles qui partent du caractère irrévocable de la décision judiciaire (Gray notamment). 45 En cela, il s’oppose très clairement à toute forme de formalisme (y compris kelsénien) et à une vision fermée du système juridique, qui autoriserait un traitement logique des règles.

46 Hart (1976 : 113–116).

62 Les arguments utilisés par Hart relevant de sa conception de la science du droit sont ceux qui ont trait à la distinction entre point de vue externe et point de vue interne. 46 Pour une large partie, ils constituent le corollaire dans la démarche cognitive des deux aspects de la règle. Le point de vue externe est celui de l’observateur extérieur, qui sans accepter les règles se réfère à la manière dont une société considère la règle d’un point de vue interne : il enregistrerait ainsi les régularités de comportement et les régularités dans la critique des comportements ; il se manifesterait par des propositions de description et de prédiction ; Hart dit aussi qu’ils ne comprendrait pas ces comportements du point de vue des obligations. Le point de vue interne se réfère à l’aspect interne des règles, examiné du point de vue interne de ceux qui acceptent les règles : il enregistre des raisons des comportements et des critiques, et se manifeste par des propositions d’obligation ou de devoir-être. Il paraît assez clair que la science du droit selon Hart se situe du côté du point de vue interne, même et surtout si l’affirmation de la norme ultime de reconnaissance ne peut être envisagée que comme un jugement externe de fait (la seule supposition, mais elle est ici interne, réside dans l’affirmation de sa validité, c'est-à-dire dans la supposition interne qu’elle est la norme de reconnaissance du système juridique).

  • 47 D’un côté, la critique vigoureuse du formalisme que propose Hart, ainsi que sa focalisation sur d (...)

63 Il doit être assez évident à la suite de ce que j’ai exprimé sous 2 que la conception radicale visée par Hart ne me paraît pas traduire les faits, et que je souscris volontiers au fait que dans tout acte de concrétisation il y a quelque chose qui est utilisé comme une règle (c’est ce que j’appelle la norme ). Comme il est clair que le scepticisme modéré auquel il se réfère (sans toujours l’admettre d’ailleurs, mais ce n’est pas mon propos ici d’examiner ces arguments) traduit assez bien ma conception dans ses deux déclinaisons signalées. Je veux juste noter qu’il n’est sans doute pas aussi évident que Hart semble le concevoir que l’on puisse infirmer un scepticisme radical (qui ramène le droit à l’activité des tribunaux) en soulignant une incohérence nécessaire dans le fait d’accepter des règles secondaires (en parlant d’autorités juridiques) et de refuser  des règles primaires. Il est tout à fait possible de tenir cette posture en affirmant le même type de scepticisme à l’égard de toute règle (de conduite et d’habilitation). Encore faut-il préciser (et j’avoue ne pas trouver Hart clair sur ce point, du moins dans les pages qu’il consacre à la critique du réalisme) 47 ce que l’on entend par règle : l’énoncé ou la norme (la signification de l’énoncé ou de toute autre prescription). Si comme je l’ai dit la norme (donc la règle) est la signification, il reste que les énoncés existent aussi et ont un effet social non négligeable, comme directives pratico-morales. Et ces énoncés sont parfois des énoncés prescrivant des conduites (ce que j’ai appelé des énoncés à objet primaire), parfois des énoncés prescrivant d’obéir à des autorités (ce que j’ai appelé des énoncés à objet secondaire). Que nous prêtions aux autorités alors mentionnées par ces directives une autorité particulière ne devrait pas surprendre (sauf à nier l’idéologie normative, qui est me semble-t-il ce que Hart entend par règle de reconnaissance, au moins ultime). Que ces autorités s’appuient par ailleurs sur ces directives (et les interprètent comme tout autre énoncé) et que tout cela produise un effet (tant factuel que du point de vue interne, au sens de Hart : un jugement de validité) non plus. Cela ne signifie pas que nous soyons amenés à donner un statut différent aux règles primaires (pour lesquelles nous serions sceptiques) et aux règles secondaires (pour lesquelles il n’y aurait plus place pour le scepticisme) ; au contraire, toutes les règles sont bien comprises comme une seule catégorie (sous le concept de norme), qui se distingue d’une autre catégorie (les directives pratico-morales que sont les énoncés). Il est vrai alors (bien que cela puisse apparaître comme très radical) que ce scepticisme est modéré puisqu’il ne nie pas une utilisation sociale des règles.

48 Hart (1976 : 78).

49 Hart (1976 : 79).

50 Hart (1976 : 106–109) ; et Hart 2000.

64 Je n’étudie pas ici un point sans doute complexe que soulève la pensée de Hart mais qu’il faut rappeler : d’un côté, il indique que l’aspect interne des règles suppose que « au moins certains membres du groupe considèrent le comportement comme un modèle général que doit observer le groupe dans son ensemble » 48  ; d’un autre côté, il indique que l’aspect interne n’est pas une question de sentiment psychologique, 49 affirmation qu’il reprend en la renforçant quand il aborde la critique du réalisme. 50 En réalité, je crois qu’il y a ici un véritable malentendu. Hart oppose l’idée de sentiment (se sentir contraint, se sentir obligé) à l’idée de règle. Il écrit notamment :

51 Hart (1976 : 79). il n’y a aucune contradiction à dire que les gens acceptent certaines règles mais n’éprouvent à leur sujet aucun sentiment de contrainte. Ce qui est nécessaire, c’est qu’il y ait une attitude de réflexion critique à l’égard d’un certain type de comportement, considéré comme un modèle commun, et que ce modèle se révèle lui-même dans les critiques (y compris l’auto critique), dans les réclamations qu’on s’y conforme, et dans le fait qu’on reconnaisse que ces critiques et réclamations sont justifiées ; autant d’attitudes qui trouvent leur expression caractéristique dans les termes normatifs doit , il faut et devrait , bien et mal . 51

65 Les réalistes ont beau jeu d’opposer à Hart que de tels faits traduisent bien un sentiment que ce comportement est obligatoire. En réalité, il semble bien que Hart réserve l’idée de sentiment pour désigner une expérience psychologique individuelle fondée sur la contrainte sociale (peur de la sanction, du jugement des autres, etc.). Mais il néglige alors une autre dimension psychologique, qui prend aussi en compte l’intersubjectivité (à la fois dans cette dimension : le jugement des autres fondé sur leur propre sentiment partagé d’obligation ; et dans une autre dimension : mon sentiment psychologique fondé sur ma connaissance ou ma perception du sentiment des autres) et qui se traduit par la pseudo-rationalisation sous forme de validité : ce que lui-même appelle l’aspect interne des règles, mais qui est aussi un sentiment d’obligation.

66 Il me paraît que le rôle de la science du droit est donc de décrire au sens où l’indique Hart des points de vue interne (des jugements de validité). Mais je ne vois pas que cette description soit un jugement interne, ni qu’un point de vue externe ne pourrait décrire les obligations (les règles) telles qu’elles sont utilisées. Je soupçonne Hart d'avoir commis sur ce point une confusion et de projeter sur sa conception de la science du droit une correspondance imparfaite entre l’aspect interne des règles (que la science du droit des juristes doit décrire, sauf à décrire un autre objet selon d’autres méthodes, sociologiques notamment) et le point de vue interne (qui est comme l’indique Hart lui-même pourtant non un acte de connaissance mais un acte de reconnaissance).

67 Dans sa critique adressée à Ross, Hart écrit :

52 Hart (2000 : 47). Premièrement, même si dans la bouche du citoyen ordinaire, ou de l’avocat, ceci est une règle valide du droit anglais est une prédiction sur ce qu’un juge fera, dira, et/ou ressentira, cela ne peut pas être sa signification dans la bouche d’un juge qui n’est pas occupé à prédire son propre comportement, son propre sentiment, ou ceux des autres. Quand un juge dit : ceci est une règle de droit valide , il s’agit d’un acte de reconnaissance ;  en disant cela, il reconnaît la règle en question comme une règle qui satisfait à certains critères généraux acceptés pour l’admettre comme règle du système, et ainsi comme un étalon juridique de comportement. Deuxièmement, même si (bien que l’on puisse en douter) des énoncés non juridictionnels de la forme : X est une règle valide sont toujours des prédictions d’un comportement et de sentiments juridictionnels futurs, le fondement de telles prédictions est la connaissance que les juges se servent de l’énoncé : c’est une règle valide , et l’interprètent, dans un sens non prédictif. 52

68 Cette démarche me paraît correcte (sauf à préciser que la notion d’acte de reconnaissance me paraît avoir surtout une fonction performative). Mais elle me semble signifier simplement que, d’un point de vue externe (c’est-à-dire d’un point de vue cognitif), nous décrivons des jugements internes ; c’est-à-dire que nous ne prenons pas position (jugement interne) sur la reconnaissance des règles (sur leur validité), mais simplement que nous décrivons des faits : le fait que de tels jugements aient été portés.

  • 53 Point soulevé déjà par Ross : « Je trouve étonnant que Hart ne voie pas l’utilisation la plus évi (...)
  • 54 Ce qui serait peu compatible avec l’idée d’une texture ouverte des règles et dont par ailleurs Ha (...)

69 Il n’est pas anodin que dans ces exemples (portant sur ceux qui disent « ceci est une règle de droit valide »), Hart évoque (et oppose) des praticiens et des citoyens d’un côté, des juges d’un autre côté, et qu’il n’envisage pas cette proposition comme proposition scientifique. 53 Une forme modérée de scepticisme (mais radicale d’empirisme) est rencontrée dans la conception réaliste de la science du droit, et particulièrement dans l’analyse critique du langage. La question est de savoir ce que signifie la proposition « ceci est une règle de droit valide » pour la science du droit ? Sauf à ne pas être descriptive mais prescriptive ou sauf à décrire des obligations au sens métaphysique du terme. 54 elle ne peut signifier que le fait qu’au travers d’une connaissance de ce que les juges se servent de l’énoncé « c’est une règle valide » (ce qui me paraît être une description externe de comportement), nous affirmons (avec une certaine prudence) que d’autres juges se serviront du même énoncé « c’est une règle valide » (ce qui me paraît être une prédiction, même si pour la science du droit c’est avant tout un élément de vérification). Qu’ensuite, de manière plus spécifique, nous décrivions la structure spécifique du comportement (le jugement de validité porté d’un point de vue interne, donc le langage) et non le comportement (le discours portant ce jugement et sa régularité) est simplement la conséquence d’une spécialisation de la science du droit des juristes au sein des sciences se donnant le droit pour objet (la sociologie, l’histoire, etc.). Mais cela n’a pas transformé le point de vue scientifique en point de vue interne.

  • 55 Hart écrit d’ailleurs : « Ross a raison de penser que nous devons distinguer un aspect interne to (...)

70 Il est curieux qu’ici, Hart, pourtant à partir de prémisses empiriques qui devraient l’éloigner de la position de Kelsen, adopte une conception de la science du droit qui fut celle du normativisme prescriptif 55 et que Kelsen lui-même a fini par abandonner. La science du droit n’ utilise pas les règles juridiques comme des règles ; elle décrit des règles et si elle se veut empirique, elle décrit les règles telles qu ’elles sont utilisées.

71 Hart lui-même, dans son célèbre post-scriptum publié après sa mort, en 1993, semble avoir nuancé son point de vue :

56 Hart, Post-Scriptum (2005 : 260). Il n'y a en réalité rien dans le projet d'une théorie générale du droit descriptive telle que l'illustre mon ouvrage, qui empêche un observateur externe non participant de décrire la façon dont des participants considèrent le droit d'un tel point de vue interne [...] Il est évident qu'un théoricien faisant œuvre de description ne partage pas lui-même en tant que tel l'acceptation du droit que manifestent les participants [...] mais il peut et devrait décrire une telle acceptation [...] comprendre en quoi consiste l'adoption du point de vue interne, et en ce sens limité, se mettre à la place d'un membre [...]. 56

72 Il est vrai que Hart répond ici aux critiques que lui a adressées Dworkin, notamment de ne pas pouvoir rendre compte du point de vue interne (la seule perspective qui tienne dans la théorie dworkinienne du droit) dans une démarche descriptive ; au-delà de l'ironie qui conduit Hart à devoir se défendre face à Dworkin d'avoir une position guère éloignée de celles qu'il faisait procès aux réalistes d'adopter, on ne peut que regretter que Hart n'ait pas eu le temps de préciser, dans la seconde section du post-scriptum, qui n'est qu'annoncée, « les prétentions de nombreux autres commentateurs, selon lequelles la présentation de mes thèses ne comporte pas seulement des obscurités et des inexactitudes, mais également sur certains points des incohérences et des contradictions ». Car Hart lui-même admet « que dans des cas plus nombreux que ceux auxquels je m'attendais, mes commentateurs ont eu raison », ce qui l'amène à chercher à corriger sa théorie, mais n'indique précisément ni quelles sont ces prétentions, ni quelles sont les corrections qu'il envisageait.

4 Une conception empiriste de la hiérarchie des normes

  • 57 Cf. les propos de Kelsen lui-même qui ouvrent sa Théorie Générale des Normes (1996, notamment la (...)

73 L’idée selon laquelle la norme, en tant que signification d’une prescription, se distingue de l’énoncé, en tant qu’acte édicté, c’est-à-dire en tant que texte produit à interpréter, n’est originale ni au regard des acquis de la linguistique, ni au regard des théories ici discutées. 57

74 Il en découle nécessairement que la hiérarchie des normes ne peut se confondre aussi simplement avec quelque hiérarchie que ce soit des énoncés, postulée a priori (une pyramide des actes) ou comprise comme hiérarchie des fonctions d’édiction (une hiérarchie des autorités normatives). Dans les deux cas, on négligerait un élément essentiel, qui est au cœur de la dynamique du droit : la concrétisation, à la fois comme acte de volonté (pouvoir normatif) individuel (la décision) et acte de volonté (pouvoir normatif) dépassant le cadre individuel (le pouvoir de dire la norme au-delà du cas).

58 V. bien sûr Kelsen (2004a : 335 et s).

  • 59 V. les débats auxquels ont pu donner lieu dans la doctrine administrativiste et constitutionnalis (...)

75 Les pierres d’achoppement que constituent par exemple : la difficulté de concilier une interprétation scientifique (qui admet la coexistence à partir de méthodes linguistiques de plusieurs significations – plusieurs normes – pour un même énoncé) et une interprétation authentique (qui décide de la norme effective, y compris si cette décision paraît inacceptable du point de vue scientifique, c’est-à-dire linguistique) ; 58   la difficulté à intégrer dans une hiérarchie des actes et des autorités (qui présuppose généralement un caractère de supériorité des actes à portée générale sur ceux à portée spécifique, et une hiérarchisation des autorités déduite du principe politique de séparation des pouvoirs : constituant, législatif, réglementaire, juridictionnel, décisionnel) la valeur par exemple de principes (normes implicites) issus de décisions de justice ; 59   la difficulté à rendre compte de ce qu’un énoncé puisse donner lieu à plusieurs normes (linguistiquement ou effectivement) alors que plusieurs énoncés, y compris de valeur différentes selon les hiérarchies classiques, débouchent sur une seule norme, en témoignent.

  • 60 Le vocabulaire (performatif) des actes de concrétisation est à cet égard révélateur : découverte (...)
  • 61 V. par exemple dans la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel l’exigence d’une loi norm (...)
  • 62 Il faut se garder de toute théorie du complot. Une théorie empiriste ne dénonce pas un pouvoir ca (...)

76 L’interprétation est un acte de volonté, qu’il s’agisse de choisir entre des sens acceptables linguistiquement de l’énoncé (norme explicite) ou de donner un autre sens (norme implicite) ; le recours à un pouvoir plus assumé de poser la norme (implicite), notamment au travers des techniques classiques que sont : l’affirmation d’une lacune imposant ce pouvoir, l’affirmation de la clarté ou de l’obscurité de l’énoncé conditionnant ce pouvoir, la mobilisation d’un principe d’interprétation (ce qui n’est pas expressément interdit par une norme est autorisé par exemple), ou la « découverte » de principes juridiques non écrits, est aussi un acte de volonté. Sans doute celui-ci n’est pas toujours assumé (notamment dans la tradition du droit écrit 60 et particulièrement en France), 61 ni même toujours conscient de la part des autorités qui peuvent en toute bonne foi être persuadées du contraire (de l’existence d’une obligation issue d’une hiérarchie des normes) ; mais cela ne change rien à la réalité de ce pouvoir. 62

77 Si l’on admet cela, et c’est le point de départ d’une théorie empiriste, il n’est pas possible que la hiérarchie des normes (comprise comme dans la théorie kelsénienne : une hiérarchie des significations valides à partir de l’énonciation, et en premier lieu de l’énonciation constitutionnelle) existe indépendamment de l’acte de concrétisation, ni même logiquement nécessaire que cet acte de concrétisation traduise une hiérarchie des normes. Rien ne nous permet de tenir que la structure d’un système juridique soit hiérarchisée, ni même qu’il existe un ordre ou un système juridique. L’idée de hiérarchie (et celles qui s’y rattachent : ordre juridique, système juridique, ordonnancement juridique, etc.) répond sans doute à une idée aprioristique de cohérence, de non contradiction, d’unité. Mais le droit tel que nous le rencontrons dans une démarche théorique n’apparaît guère doté de ces caractéristiques : ses manifestations traduisent les contradictions, les obscurités, la permanence de certaines représentations et croyances au-delà des changements constitutionnels par exemple.

78 Évidemment, une théorie de la hiérarchie des normes est aussi une construction d’un objet scientifique comme nous l’avons vu. Postuler une hiérarchie, c’est construire en unité systémique l’objet que nous décrivons. Mais la description de cet objet, si nous voulons qu’il ait quelque rapport avec un objet réel, ne peut se faire au moyen de la seule compréhension d’une hiérarchie de certaines sources des normes (explicites). L’objet juridique d’une science empirique du droit n’est pas un ensemble de significations valides dérivables d’un énoncé ou de plusieurs énoncés.

79 D’un autre côté, il paraît indéniable que dans la majeure partie des actes de concrétisation, une ou plusieurs hiérarchies des normes sont sous-jacentes, et que ces hiérarchies transparaissent des actes de concrétisation avec une régularité comparable à celle que nous observons pour les normes, même si elle peut apparaître plus complexe.

  • 63 Je ne veux évidemment pas dire « naturellement valide » sans acte d’énonciation (Kelsen reprend l (...)

80 Nous connaissons ces hiérarchies au travers des discours de concrétisation, c’est-à-dire que nous connaissons des discours sur la hiérarchie ; nous pouvons aussi reconstituer les conditions pour que ces discours sur la hiérarchie soient cohérents et c’est ce que j’appelle le processus d’élucidation (de reformulation) des normes effectivement utilisées. Nous ne pouvons donc connaître qu’une hiérarchie des normes produites (existantes), ce qui est évidemment très différent de l’idée du recours à une hiérarchie comme modalité (et critère) de production (et de description : le sollen descriptif) des normes (valides) per se. 63

81 La théorie de la hiérarchie des normes n’est pas une théorie permettant de décrire une norme comme valide ; elle est une conséquence de la reconnaissance (par des autorités réelles) de la validité des normes. En ce sens, il y a évidemment de multiples hiérarchies envisageables, et sans doute plusieurs hiérarchies qui coexistent.

82 Une théorie de la hiérarchie des normes, quelle qu’elle soit, même formelle, ne peut prétendre permettre de décrire la structure de tout système juridique, ni même sans doute la structure unique d’un système juridique identifié. La hiérarchie des normes est un objet de l’étude empirique : un élément résultant du processus de performation « D parce que N   ». Il est fort possible que nous puissions nous passer, pour cette description, du concept de hiérarchie des normes, ce qui évidemment ne peut être vrai d’une théorie normativiste (puisque celle-ci ne peut décrire qu’au moyen de ce concept). Pour autant, il n’est pas certain qu’ainsi conçue, c’est-à-dire comme objet construit par les actes de concrétisation, un concept de hiérarchie des normes ne soit pas par ailleurs extrêmement utile pour permettre d’affirmer qu’une norme existe : pour rendre compte du système juridique réel.

5 Dimension prescriptive de la théorie normativiste de la hiérarchie des normes

83 J’ai dit sous 4 que la théorie normativiste de la hiérarchie des normes ne pouvait décrire les relations éventuellement hiérarchiques entre diverses normes existantes dans un système juridique, mais apparaissait davantage comme une théorie des sources de normes explicites : elle dégage les significations valides (acceptables) d’un ou plusieurs énoncés au regard des règles linguistiques : syntaxiques, sémantiques et logiques (systémiques).

84 Cette théorie, comme je l’ai dit, ne peut ainsi conçue fonder un programme scientifique permettant de décrire les normes effectivement utilisées (ce que cette théorie admet) : elle se donne pour seul objet la description des seules significations acceptables des seuls énoncés validement produits. Elle réserve à ces seules normes explicites la qualité de norme (valide). En ce sens, la théorie de la hiérarchie des normes peut aussi être vue comme une théorie prescriptive : elle ne décrit pas une hiérarchie de toutes les normes existantes et/ou de leurs sources, mais elle décrit les seules normes qu’elle considère comme légitimes, les normes explicites, c’est-à-dire les significations d’actes de volonté (les énonciations) légitimes, et elle prescrit donc les sources légitimes du droit.

85 Elle prescrit ce faisant un mode de production des normes (et ne décrit pas le mode de production des normes) : une norme doit selon cette théorie être l’interprétation valide d’un énoncé validement créé. Elle n’interdit pas le recours à des sources informalisées et conformalisées ; mais elle prescrit que ce recours doit simplement permettre de choisir de manière authentique une interprétation parmi les interprétations scientifiquement valables.

64 Kelsen 2004b.

86 Kelsen (comme ce lui fut aussi injustement que stupidement reproché) a parfaitement compris qu’envisagé de cette manière, l’objet de la science juridique ne pouvait qu’être traité identiquement pour toutes formes de systèmes, y compris non démocratiques. Il reste que cette double caractérisation (description/prescription) des sources légitimes, ne peut sans doute pas être détachée aussi d’une certaine conception de la démocratie, que Kelsen a vigoureusement défendue sur le plan politique : la démocratie procédurale ; et de sa justification au regard du non cognitivisme éthique. 64 Les questions non scientifiques (politiques au sens large) ne pouvant être décidées par la connaissance, le recours à des procédures démocratiques (la loi du nombre dans le respect de certaines règles légitimement adoptées) paraît comme le seul moyen de trancher les questions de valeurs et de raison pratique. Notamment, aucune affirmation de principe ou de valeur a priori (non décidés – posés- selon ces procédures) ne peut s’imposer légitimement comme critère de ce qui doit être fait.

87 Il ne fait à mes yeux aucun doute que cette défense et cette justification de la démocratie est une chose essentielle, à laquelle je souscris sans réserve. Comme il ne fait aucun doute que pour que cette justification se traduise en pratique, il importe que les choix effectués selon des procédures démocratiques par des organes démocratiquement élus (toutes procédures que généralement une constitution détermine) soient suivis d’effets (et que les directives pratico-morales ne soient pas remises en cause dans des actes de concrétisation).

  • 65 D’une certaine manière, le débat qui a eu lieu en Italie dans les années 1960-1970 sur l’interpré (...)
  • 66 En ce sens, je n’adhère pas aux critiques adressées au normativisme comme quasi-positivisme, par (...)

88 Je ne peux m’empêcher de comprendre la théorie de la hiérarchie des normes, de ce point de vue, non comme une théorie décrivant les normes effectivement utilisées, mais comme une théorie décrivant les normes devant (ou pouvant) être légitimement utilisées : en bref, comme une théorie politique de la démocratie procédurale (par le droit), et sans doute comme l’une des meilleures expression (sinon la meilleure) de ce projet du point de vue juridique. 65 Et je crois aussi que c’est comme théorie politique (qui peut aussi légitimement être une théorie descriptive de ce qui devrait être sur le fondement de valeurs réellement affirmées comme projet politique – constitution – d’un système réel) qu’elle produit ses effets les plus visibles : en tant que contrainte pesant effectivement sur les autorités dans les actes de concrétisation. 66

6 La théorie de la hiérarchie des normes comme contrainte

67 Troper (2003b : 215–228).

89 Dans son article 67 consacré à la consécration du contrôle de constitutionnalité par Marshall dans l’arrêt Marbury, et à la reprise de cette argumentation par Kelsen d’une part dans sa conception de la hiérarchie (souhaitable et efficace dans une démocratie) des normes, d’autre part par Aharon Barak dans le cas israélien (un système dans lequel pourtant l’énonciation constitutionnelle ne s’est pas produite), Michel Troper montre comment est présentée comme nécessaire logiquement une argumentation qui commence en réalité par un choix (une décision) sur la prémisse : la compréhension de la supériorité comme désignant le devoir d’invalider une norme contraire. Michel Troper conclut cependant en indiquant que :

Le raisonnement de Marshall a réussi à persuader et exprime l’idéologie officielle des États modernes. Le terme idéologie est d’ailleurs faible, puisque ce n’est pas seulement un ensemble de croyances et de valeurs, mais de la hiérarchie des normes qu’il s’agit. Or, la hiérarchie des normes est le mode d’exercice du pouvoir dans l’État moderne. Ainsi, ce que Marshall a réalisé, n’est pas de déduire le contrôle de constitutionnalité des lois de la hiérarchie des normes, mais au contraire construire la hiérarchie des normes en assurant le contrôle de constitutionnalité des lois. Peu importe que son raisonnement soit entaché de vices logiques. Il a donné une forme au pouvoir de l’État moderne. On aurait tort cependant de croire que, puisque la décision s'impose de toute manière, il est indifférent qu'elle soit justifiée de telle manière ou de telle autre. La cour est contrainte d'utiliser un raisonnement qui, même s'il comporte des vices logiques, a été et est encore perçu comme socialement acceptable. Lorsqu'il s'agit de fonder une pratique nouvelle, ce mode de raisonnement sert de standard et de modèle pour évaluer tous les raisonnements de la dogmatique juridique. Désormais, on ne peut plus raisonner qu'en se conformant à la logique de Marshall. En d’autres termes, même contraire aux principes de la logique, la décision Marbury est créatrice, au delà d'une norme et d'une institution nouvelles, d'une logique spécifique à l'institution du contrôle de constitutionnalité des lois et désormais contraignante.

90 Cette idée de hiérarchie des normes comme contrainte est essentielle, me semble-t-il, pour expliquer notamment les phénomènes de régularité que nous constatons, et qui nous permettent d’affirmer que telle norme existe. Il ne fait aucun doute que nous (à commencer par les citoyens) ne percevons pas comme juridiquement valide, comme politiquement légitime, un acte juridique (énonciation, concrétisation) qui ne pourrait être justifié (au moins formellement) par rapport à ce modèle. Et donc que la contrainte d’inscrire une argumentation comme logique par rapport à une hiérarchie des normes produit les effets les plus importants, quand bien même cette hiérarchie est avant tout une idée, qui se construit de manière variable. La contrainte ne réside pas dans une hiérarchie présupposée (impossible puisque dépendant d’une détermination de la norme supérieure par l’acte de concrétisation) mais dans deux idées : la validité dépend de la possibilité d’affirmer une norme supérieure (structure de l’argumentation) ; la possibilité d’affirmer la norme supérieure effective est contrainte par l’idéologie politique socialement acceptée comme légitime (représentation de la souveraineté et des autorités publiques). La contrainte se distingue bien alors de l’obligation : d’une part elle n’est pas indépassable à condition pour qui la dépasserait d’en assumer le coût au regard de ces représentations (ce qui peut être à la fois symbolique – la critique sociale – et très réel – la remise en cause d’une représentation qui fonde aussi le pouvoir de l’autorité) ; d’autre part, elle est relativement floue puisque elle ne fait que réduire le champ des possibles sans faire disparaître des possibilités de choix.

  • 68 Sur ces questions essentielles, Voir Troper, Champeil-Desplats (2005 : 16–23), et Meunier (2005 : (...)

91 Il est probable que la hiérarchie des normes est une contrainte forte mais à elle seule insuffisante. Sur le fondement d’une réflexion politique (démocratique et libérale), il doit être envisageable de renforcer la contrainte (de renchérir le coût) : on le voit avec l’idée de contrôle de constitutionnalité, mais à d’autres niveaux l’idée du droit au recours tel que prévu par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, de l’exigence de motivation formelle, ou du recours à la publicité de l’opinion dissidente dans les jugements pris par une autorité collégiale, participent de la même démarche en rendant moins facile un acte de concrétisation qui se dispenserait d’une argumentation formelle (dans le discours de concrétisation) comme déclinant logiquement un processus hiérarchique de validation des normes. A cet égard, une théorie des contraintes doit insister à juste titre sur l’aspect dynamique des contraintes : elles peuvent porter sur le discours en produisant une norme, une méta norme ou un concept ; surtout elles peuvent avoir des effets sur la position institutionnelle des acteurs, et la contrainte n’est pas simplement subie par des acteurs, elle est aussi créée par des acteurs. 68 Il ne fait aucun doute que ce que l’on appelle « autorité morale de la doctrine » peut représenter une contrainte, et ce d’autant plus que la science du droit (comprise comme la doctrine produite sur le fondement d’une méthodologie fournie par une théorie scientifique, comme par exemple la théorie pure du droit ou la théorie empiriste) peut à la fois dévoiler les significations axiologiques de certaines positions normatives, et élaborer une critique non cognitiviste des interprétations authentiques dont la correction analytique peut être vérifiée (ou falsifiée). Le cadre de cette théorie (devenu paradigme scientifique) constitue alors une véritable contrainte juridique du fait de sa formulation et de son acceptation comme représentation dominante de ce qui doit être. La hiérarchie des normes est une contrainte d’autant plus forte qu’elle est théorisée comme moyen d’identification de l’objet d’une science du droit, et donc de la définition stipulative du droit socialement accepté : des entités idéelles (des significations correctes d’ordres légitimes).

92 Si dans une démocratie procédurale (et simplement procédurale, comme la conséquence inéluctable de tout non cognitivisme éthique), la hiérarchie des normes est la garantie essentielle des libertés individuelles et de la souveraineté du peuple, c’est seulement comme telle. Elle fonctionne effectivement comme cette garantie et produit (en gros et de manière générale) les effets qui lui sont possibles. Je ne crois pas qu’il soit du domaine de la science du droit de lui prêter une autre dimension que celle qu’elle a réellement. Mais je crois que c’est en mettant au jour la manière dont fonctionne réellement notre système juridique que nous pouvons avoir pleinement conscience à la fois de sa force et de sa fragilité, et nous déterminer pour l’action si nous recherchons réellement à assurer la viabilité du projet politique démocratique.

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1 Nombre de ces arguments ont été présentés et discutés dans le cadre des rencontres du Centre d’Analyse et de Théorie du droit à l’Université de Paris X-Nanterre, et à l’occasion d’un cours de Théorie générale du droit dans le cadre de la deuxième année de master droit fondamental, spécialité droit public, à l’Université Paris Sud-11. Je remercie tous ceux qui au cours de ces échanges m’ont suggéré des pistes de recherche, ont critiqué mes arguments, m’en ont proposé auxquels je n’avais pas songé, et m’ont permis de corriger quelques erreurs. Celles qui demeurent me sont évidemment totalement imputables. Par ailleurs, plusieurs points ici envisagés ont été repris de manière moins approfondie in Millard 2006.

2 Bobbio (1998 : 188). Rappelons que pour Norberto Bobbio, l’idéal-type kelsénien, dont il sera ici beaucoup question, est un modèle normatif-descriptif. Le jusnaturalisme correspond au modèle normatif-prescriptif et la position de Ross, du moins telle qu’elle ressort de sa définition de la science du droit dans Ross (1959 : 19 et s.) au modèle explicatif-prescriptif. En réalité, la caractérisation de la démarche de Ross de ce point de vue pourrait me semble-t-il être discutée, mais il n’est pas de mon propos de le faire ici car c’est la typologie proposée qui m’intéresse. Pour des arguments à l’appui de cette critique, cf. Riccardo Guastini (1994 : 149 et s).

4 J’ai ailleurs essayé de proposer une caractérisation de quelques postures réalistes : Millard 2014.

6 Les notions d’ordre et de système ne sont pas unifiées dans l’usage qui en est fait en théorie du droit. Par ordre ici, je parlerai d’un ensemble de normes également valides à un instant t , qui peut être présenté de manière structurée et donc hiérarchisée (une conception statique du droit existant). Par système juridique, je parlerai au contraire d’une conception dynamique : un ordre prévoyant ses propres conditions d’évolution, de telle manière que l’on puisse considérer les successions d’ordres comme se déroulant au sein d’une même unité. Ces stipulations proposent une terminologie inversée par rapport à celles avancées notamment par Alchourron & Bulygin (notamment dans Sobre el concepto de orden jurídico , in Alchourrón & Bulygin ( 1991 : 393–408)), sans autres raisons que celles reposant sur une appréciation de la tradition lexicale ; je partage par ailleurs comme on peut le voir l’idée d’une distinction, comme les critères de celle-ci.

7 Sur toutes ces questions, l’article de Pfersmann 2003, constitue bien davantage qu’une introduction.

9 Hart 1976. Les références dans cet article concernent (sauf indication contraire) la première édition, la seconde édition de l'ouvrage, posthume, ne modifiant comme on le sait le texte que sur des points de détail, bien qu'elle comprenne par ailleurs un important post-scriptum : Hart 2005.

10 Bobbio 1950. On trouvera en français une présentation de la conception de Bobbio par Riccardo Guastini en Préface à Bobbio (1998 : 1 et s).

13 Mais ce terme ne paraît pas heureux, d’autant que Kelsen a cru nécessaire d’en proposer un contenu minimal en référence à une efficacité globale du système (un fait empirique). Une hypothèse est en effet formulée sur le fondement d’une théorie et doit pouvoir ensuite être vérifiée. Chez Kelsen, il ne peut s’agir que d’un axiome ; mieux : d'une fiction.

15 La logique déontique peut se comprendre de diverses manières : une logique des normes (des significations déontiques), une logique des énoncés prescriptifs, une logique des sollen descriptifs (c’est-à-dire de propositions descriptives de significations prescriptives). Kelsen n’a clairement défendu que cette troisième possibilité, mais en précisant que de cette manière, indirectement, la logique s’appliquait aux rapports entre significations.

16 Même si ces obligations ne sont pas absolues mais relatives à un système (par exemple le système juridique), qui lui n’est pas obligatoire en tant que tel, comme Kelsen a dû à mainte reprise le répéter. Ce que traduit le concept positiviste de validité (dans le système) et l’idée de droit posé (l’obligation comme résultat d’un acte de volonté d’une autorité reconnue par le système).

17 V. à ce propos l’éclairante préface de Kelsen (1911), dans laquelle il énonce sans ambiguïté sa conception dualiste du monde. Si cette conception a sans doute par la suite été nuancée, il ne m’apparaît pas que la Théorie pure du droit soit un renoncement à cette ontologie.

19 Essentiellement par manque de place, mais surtout parce qu’il m’apparaît que la théorie de la hiérarchie des normes chez Bobbio ne constitue pas le fondement nécessaire à son analyse du droit, ce qui n’est pas vrai des conceptions respectives de Kelsen et Hart.

20 Frank 1949. Je dis « en première approche » car aussi bien cet empirisme sert à une déconstruction qui appelle ensuite une reconstruction intuitionniste dont le lien avec le projet empiriste n’est pas nécessaire.

21 La motivation des actes juridiques en est le prototype pour ce qui est des raisons données. Il reste que même dans les actions matérielles, on peut demander en cas de contestation quelles étaient les raisons, et que même une autorité qui aurait le pouvoir de décider sans motivation et sans avoir à donner de raisons (matérielles) à sa décision devrait au moins indiquer pour que nous tenions cette décision pour juridique de quelle norme (secondaire, au sens de la typologie de Hart) elle prétendrait détenir ce pouvoir.

23 L’autorité attachée à ce que les systèmes de droit écrit appellent la jurisprudence montre bien cette double fonction du langage.

24 J’emprunte ici la typologie de Guastini (2014), qui n’envisage pas cependant l’hypothèse d’un cadre axiologique là. Par cadre axiologique, je veux dire que sur le présupposé de certaines valeurs, toute interprétation n’est pas acceptable. On peut donc conjuguer les analyses linguistiques classiques sur les énoncés avec un deuxième type d’analyse fondée sur l’analytique axiologique. Comme on le verra suffisamment au texte, il ne s’agit que de comprendre et non de procéder à une évaluation axiologique fondée sur des valeurs a priori .

25 Ces exemples n’ont évidemment pour aucune autre fonction que de montrer à la fois que les juristes connaissent de tels cas, et que l’interprétation possible des ces actes est assez complexe.

26 Il se peut que les énoncés puissent remplir d’autres fonctions, notamment performatives. Tel serait le cas d’un énoncé constitutionnel indiquant que la France est une République laïque. En cela, on veut dire que l’énoncé n’a pas besoin d’être concrétisé (La France est telle par simple affirmation de l’énoncé). D’un autre côté, dans un éventuel acte de concrétisation, l’énoncé peut être pris en compte aussi comme directive pratico-morale (par exemple lorsqu’un ministre de cette République déciderait un deuil national en l’honneur d’une autorité religieuse, ou, s’il en était saisi, lorsqu’un juge déciderait de la validité de cette décision).

27 Ce que le juge Jackson dans la décision de la Cour Suprême des Etats-Unis Brown v. Allen (1953) exprimait ainsi : «  We are not final because we are infallible, but we are infallible only because we are final ».

28 Ross (1959 : 18). (Sur la traduction de « valid law » par droit existant, cf. Ross ( 2004 : 160–161).

31 Et il ne faut pas négliger que l’acte de concrétisation, du moins tel qu’il intéresse la science du droit, tend très généralement à trancher entre des propositions formalisées par les parties (ou leurs représentants) au litige.

33 Plus exactement, il m'apparaîtrait opportun de prendre en compte une problématique du coût : les contraintes sont surmontables mais les surmonter suppose d'assumer un certain coût (ce qui peut renvoyer, dès lors que l'on admet l'hypothèse que les contraintes puissent être perçues ou imaginées par les acteurs, à une problématique du calcul ; mais demeurer aussi au stade de la constatation d'un coût objectif, d'une conséquence onéreuse qui n'a peut-être pas été perçue).

35 Troper (2002 : 353). On retrouve les mêmes idées dans Troper (2003a : 62–63).

36 Troper, Champeil-Desplats (2005 : 5).

39 Par exemple Dworkin 1995, même si évidemment le point de départ et l’objectif ne sont en rien comparables.

47 D’un côté, la critique vigoureuse du formalisme que propose Hart, ainsi que sa focalisation sur des systèmes de common Law, particulièrement britannique, semblent témoigner d’une conception de la norme distincte de l’acte énonciateur (règle contre décision créant le précédant) ; d’un autre côté, la référence pour le système de common law américain à l’idée de constitution écrite ou de loi comme règle (et notamment pour la constitution comme règle secondaire désignant les autorités) pourrait autoriser une autre lecture. Il est vraisemblable cependant que la distinction énoncé-norme, qui est un des apports les plus innovateurs de la théorie du droit actuelle, ne faisait pas partie de l’appareillage théorique que Hart mobilisait spontanément. Il n'est sans doute pas tout à fait anodin que Hart parle spontanément de règles et que le mot norme (comme signification) lui soit étranger en grande partie.

51 Hart (1976 : 79).

52 Hart (2000 : 47).

53 Point soulevé déjà par Ross : « Je trouve étonnant que Hart ne voie pas l’utilisation la plus évidente du langage externe, ou qu’en tout cas il ne la mentionne pas : celle de l’observateur qui, sans accepter ou rejeter les règles, en rend seulement compte ; celui qui fait œuvre de dogmatique juridique, dans la mesure où son rôle consiste à énoncer des propositions vraies relatives au droit réellement en vigueur » : Ross (2004 : 188).

54 Ce qui serait peu compatible avec l’idée d’une texture ouverte des règles et dont par ailleurs Hart dit explicitement que cette conception métaphysique n’est pas la sienne. A l’occasion de la critique de l’idée d’obligation comme prédiction, il indique « on a parfois admis qu’il s’agissait là de la seule alternative possible à des conceptions métaphysiques qui considèrent l’obligation ou le devoir comme des objets qui existeraient mystérieusement au-delà du monde des faits ordinaires et observables » : Hart (1976 : 108). Hart veut ici montrer que sa position est une autre alternative, et mieux fondée.

55 Hart écrit d’ailleurs : « Ross a raison de penser que nous devons distinguer un aspect interne tout comme un aspect externe du phénomène présenté par l’existence de règles sociales. Cela est vrai, et très important pour la compréhension de n’importe quelle sorte de règles. Mais malheureusement, il situe la frontière entre ces deux aspects au mauvais endroit, et présente à tort l’aspect interne des règles comme une question d’ « émotion » ou de « sentiment », comme une « expérience » psychologique spéciale. C’est seulement en faisant cela qu’il est capable de créer l’impression que l’analyse de la pensée juridique peut se dispenser de ce que Kelsen nomme les « propositions de devoir-être ». En fait, l’élucidation de l’aspect interne de tout discours normatif a besoin de telles propositions, et si nous les étudions soigneusement, nous pouvons voir qu’il n’y a rien de « métaphysique » à leur propos, bien que leur « logique » ou leur structure diffèrent des énoncés de fait ou des expressions de sentiment » : Hart (2000 : 47–48).

56 Hart, Post-Scriptum (2005 : 260).

57 Cf. les propos de Kelsen lui-même qui ouvrent sa Théorie Générale des Normes (1996, notamment la section III, p. 2).

59 V. les débats auxquels ont pu donner lieu dans la doctrine administrativiste et constitutionnaliste française à la fois la question des principes généraux du droit dégagés par le Conseil d’État (tant dans le système de la Constitution de 1946 que dans celui de la Constitution de 1958) et celle des Principes fondamentaux reconnus par les lois de la république, particulièrement lorsqu’ils sont mobilisés par le Conseil d’État (Conseil d’État, 3/07/1996, Moussa Koné ). Sur la première question, cf. par exemple Chapus 1966, et Conseil d’État, 11/07/1956, Amicale des Annamites de Paris  ; et sur la seconde, Champeil-Desplats 2001.

60 Le vocabulaire (performatif) des actes de concrétisation est à cet égard révélateur : découverte des principes (et non invention), interprétation « connaissance » (cf. Conseil d’État, Assemblée, 29 juin 1990, Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés (G.I.S.T.I.) , Req. n° 78519 : « les auteurs de la circulaire attaquée se sont bornés à interpréter exactement les stipulations de l’accord » ; ou encore Conseil d’Etat, 22/12/1978, Ministre de l’Intérieur contre Cohn Bendit ), etc.

61 V. par exemple dans la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel l’exigence d’une loi normative et claire (Déc. 2005-512 DC du 21/04/2005, Loi d’orientation et de programmation pour l’avenir de l’Ecole  : « Le principe de clarté de la loi, qui découle [de l’article 34] de la Constitution, et l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, imposent [au législateur] d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques afin de prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi ») ; V. également Conseil constitutionnel, Déc. 2004-509 DC du 13/01/2005, Loi de programmation pour la cohésion sociale , qui, en énonçant ce principe, ajoutait cependant : « que, pour autant, ces autorités conservent le pouvoir d'appréciation et, en cas de besoin, d'interprétation inhérent à l'application d'une règle de portée générale à des situations particulières » ; V. Champeil-Desplats (2005 : 905 et s).

62 Il faut se garder de toute théorie du complot. Une théorie empiriste ne dénonce pas un pouvoir caché et illégitime ; elle essaie simplement de décrire un pouvoir qui s’exerce en fait, et qui comme tout pouvoir s’exerce de manière très diversifiée selon les cas et les individus.

63 Je ne veux évidemment pas dire « naturellement valide » sans acte d’énonciation (Kelsen reprend le mot d’ordre de Dubislav «  Kein Imperativ ohne Imperator  »), mais je veux dire valide indépendamment d’une interprétation authentique.

65 D’une certaine manière, le débat qui a eu lieu en Italie dans les années 1960-1970 sur l’interprétation du normativisme, particulièrement entre Norberto Bobbio et Uberto Scarpelli, partait d’un constat du même ordre. Sur ce débat, voir notamment les comptes rendus de la table ronde de Padoue en 1966 : Università di Pavia. Istituto di scienze politiche (1967 : 559–565) ; et sur les conséquences cf. Pattaro (1971 : 61–126). Parmi les productions récentes qui présentent des arguments dans le sens d’une telle qualification du normativisme, cf. Celano 1999.

66 En ce sens, je n’adhère pas aux critiques adressées au normativisme comme quasi-positivisme, par exemple par Ross (notamment dans La validité et le conflit entre le positivisme et le Droit naturel  : Ross (2004 : 161–163)). Je ne crois pas que la norme fondamentale soit un moyen de prêter une validité morale au système (l’obligation morale d’obéir au droit) ni que la description des sollen soit prescriptive. Je dis simplement que le choix de cet objet de la science du droit, outre qu’il me paraît chimérique (les significations linguistiquement acceptables d’un énoncé prescriptifs sont simplement des significations linguistiquement acceptables d’un énoncé et rien de plus), remplit une fonction politique et juridique : la désignations des significations politiquement acceptables d’un acte de volonté d’une autorité légitime dans le système.

68 Sur ces questions essentielles, Voir Troper, Champeil-Desplats (2005 : 16–23), et Meunier (2005 : 187–197).

Bibliographical reference

Éric Millard , “La hiérarchie des normes” ,  Revus , 21 | 2013, 163–199.

Electronic reference

Éric Millard , “La hiérarchie des normes” ,  Revus [Online], 21 | 2013, Online since 01 December 2013 , connection on 11 May 2024 . URL : http://journals.openedition.org/revus/2681; DOI : https://doi.org/10.4000/revus.2681

About the author

Éric millard.

Professor at the University of Paris Ouest Nanterre La Défense. Centre de Théorie et Analyse du Droit ( UMR 7074 ). Co-director of the Doctoral school of law and political sciences.

E-m a il: [email protected]

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plan dissertation hierarchie des normes

Introduction au droit

Point sur la hiérarchie des normes : la conception traditionnelle de la hiérarchie des normes écrites d’origine interne (épisode 1)

Il existe une grande diversité de normes écrites au sein de notre droit interne : normes constitutionnelles, plusieurs types de lois, plusieurs types de règlements. Mais à ces textes de source interne, viennent s’ajouter des textes de source internationale, et notamment des textes d’origine européenne qui se distinguent par une force d’intégration particulière dans les ordres juridiques nationaux.

La superposition de normes écrites fait naturellement naître des difficultés d’articulation et des conflits entre les différents types de normes.

Traditionnellement, la résolution de ces conflits est opérée grâce à la hiérarchie établie entre les textes. La hiérarchie des normes a été systématisée par le juriste Hans Kelsen qui présente l’ordre juridique comme un édifice pyramidal ; l’autorité accordée à chaque type de norme dépend de sa place dans cette pyramide, et conformément au principe hiérarchique, aucun texte ne saurait aller à l’encontre d’un autre qui serait situé à un niveau supérieur.

La conception traditionnelle de la hiérarchie des normes écrites, telle qu’on peut la présenter concernant les textes d’origine interne, se trouve renouvelée sous l’influence des normes d’origine supranationale.

À noter : L’Union européenne et le Conseil de l’Europe se distinguent des autres organisations internationales parce qu’ils constituent de véritables ordres juridiques supranationaux qui viennent se superposer à l’ordre juridique interne. Deux manifestations de cette particularité :

– la plupart des textes issus de leurs instances sont intégrés dans l’ordre juridique français et susceptibles d’être invoqués par les particuliers (application directe) ;

– l’Union européenne et le Conseil de l’Europe disposent chacun d’une juridiction propre ayant pour mission de s’assurer du respect de ces textes : la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) est chargée de contrôler le respect du droit communautaire, tandis que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a pour mission de garantir l’application des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme (Conv. EDH). La France s’est en outre engagée à se soumettre à la jurisprudence de ces juridictions.

La conception traditionnelle de la hiérarchie des normes écrites d’origine interne

Cette conception traditionnelle de la hiérarchie des normes repose essentiellement sur la suprématie de la Constitution, et la supériorité de la loi sur le règlement.

■ La suprématie de la Constitution

La suprématie de la Constitution signifie que les normes qui lui sont inférieures doivent lui être conformes ; la loi est donc soumise au respect des dispositions de la Constitution.

La conformité de la loi à la Constitution est assurée par le contrôle de constitutionnalité confié au Conseil constitutionnel, dont c’est la principale fonction, tandis que celle du règlement autonome (v. infra) est assuré par le Conseil d’État après l’adoption de celui-ci dans le cadre du contrôle de légalité.

S’agissant des lois ordinaires, le contrôle de constitutionnalité est facultatif (Const. 58, art.  61 , al. 2) ; il n’est pas systématique dans son principe, de sorte qu’il est possible qu’une loi contraire à la Constitution entre en vigueur.

En revanche, lui sont obligatoirement soumis les lois organiques, les propositions de loi mentionnées à l'article  11  de la Constitution avant qu'elles ne soient soumises à référendum et les règlements des assemblées.

Le Conseil constitutionnel peut être amené à exercer un contrôle de constitutionnalité des lois :

– soit avant leur promulgation (Const., art. 61) ;

– soit, depuis le 1 er  mars 2010, dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, en vertu de l'article  61-1  de la Constitution issu de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008.

·         Contrôle  a priori

Aux termes du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, le Conseil constitutionnel se prononce sur les lois ordinaires qui lui sont soumises par le Président de la République, par le Premier ministre, par chacun des présidents des deux Chambres ou par un groupe soit de 60 députés, soit de 60 sénateurs. Le Conseil constitutionnel doit statuer dans le délai d'un mois. Toutefois, s'il y a urgence, ce délai est ramené à huit jours à la demande du Premier ministre. La saisine du Conseil constitutionnel suspend le délai de promulgation jusqu'au jour où la décision du Conseil est rendue publique.

La décision du Conseil constitutionnel est adressée au Premier ministre en vue de sa publication au Journal officiel. En application de l'article 62 de la Constitution, une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61 de la Constitution ne peut être promulguée ni mise en application.

En application de l'article  23  de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, le Président de la République peut, à la suite d'une censure partielle, soit promulguer la loi dont la disposition déclarée inconstitutionnelle aura été retirée, soit demander au Parlement une nouvelle délibération. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel assortit parfois le rejet des griefs dirigés contre les dispositions qui lui sont soumises de réserves dont il doit être tenu compte pour l'application de ces dispositions, notamment par le pouvoir réglementaire.

La Constitution de 1958 attribuant compétence exclusive au Conseil constitutionnel pour effectuer le contrôle de constitutionnalité, et ne prévoyant à l’origine qu’un contrôle  a priori , les juridictions ordinaires se sont toujours refusées à contrôler a posteriori la conformité de la loi à la Constitution (CE, sect., 6 nov. 1936,  Arrighi ; Civ. 1 re , 1 er   oct. 1986, n° 84-17.090).

·         Contrôle  a posteriori

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a finalement inséré dans la Constitution un article 61-1 ouvrant aux justiciables la possibilité de contester la constitutionnalité de dispositions législatives  a posteriori , devant les juridictions ordinaires.

Ainsi, depuis le 1 er  mars 2010, le justiciable peut contester la constitutionnalité de dispositions législatives dans une instance en cours devant une juridiction lorsqu'il estime que ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Le Conseil constitutionnel peut alors être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation. Lorsque la question est soulevée devant une juridiction relevant du Conseil d'État ou de la Cour de cassation, la juridiction transmet la question au Conseil d'État ou à la Cour de cassation si les trois conditions suivantes, énoncées à l'article  23-2  de l'ordonnance du 7 novembre 1958, sont réunies :

– la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

– elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances (le Conseil constitutionnel a précisé que ces changements de circonstances s'entendaient des « changements intervenus, depuis la précédente décision, dans les normes de constitutionnalité applicables ou dans les circonstances de droit ou de fait, qui affectent la portée de la disposition législative contestée » : v. n° 2009-595 DC du 3 déc. 2009) ;

– la question n'est pas dépourvue de caractère nouveau ou sérieux.

Lorsque la question a été transmise au Conseil d'État ou à la Cour de cassation ou lorsqu'elle a été posée directement devant l'une ou l'autre de ces deux cours suprêmes, celles-ci ont un délai de trois mois pour se prononcer sur le renvoi de la QPC au Conseil constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel est saisi dès lors que les deux premières conditions posées à l'article 23-2 sont remplies et que la question est nouvelle ou sérieuse.

Le Conseil constitutionnel statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine par une décision motivée et publiée au  Journal officiel . 

À noter : Pour être déclarée constitutionnelle, la loi ne doit pas être conforme aux seules dispositions de la Constitution  stricto sensu , mais aux dispositions de l’ensemble des textes la complétant et composant ce que l’on nomme le « bloc de constitutionnalité » : les préambules des Constitutions de 1958 et de 1946, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, les principes et les objectifs à valeur constitutionnelle, enfin, la Charte de l’environnement (loi constitutionnelle du 29 mai 2005). L’extension de ce bloc a permis au Conseil constitutionnel d’accroître le domaine de son contrôle, de s’affirmer comme le protecteur des libertés individuelles, et de faire pénétrer les exigences constitutionnelles dans divers domaines du droit privé qui ne peuvent plus ignorer l’influence de la jurisprudence constitutionnelle.

Ainsi la Conseil peut-il, à l’issue de ce contrôle a posteriori, abroger, le cas échéant, la disposition légale non conforme à la Constitution. L’abrogation conduit à une disparition pour l’avenir de la loi, soit à la date de la décision, soit à une date ultérieure fixée par le Conseil (art. 62).

■  La supériorité de la loi sur les règlements

En droit interne, la suprématie de la loi se traduit par le principe de légalité : qu’ils soient d’application ou autonomes, les règlements sont également soumis au respect de la loi qu’ils mettent en œuvre sans pouvoir contredire ses dispositions : c’est ce que l’on appelle le principe de légalité.

L’étendue de la soumission varie toutefois selon qu’il s’agit d’un règlement d’application ou d’un règlement autonome :

Le règlement d’application a pour objet l’exécution d’une loi ordinaire intervenue dans le domaine de la compétence législative (partielle ou totale). Subordonné à la loi, au sens strict, il ne doit pas contredire la loi qu’il met en œuvre ;

Le règlement autonome intervient dans le domaine réservé au pouvoir exécutif pour lequel le législateur n’a pas de compétence (Const. 58, art.  37 ). Le règlement autonome n’ayant pas à exécuter la loi, au sens strict, il n’y a pas lieu de rechercher s’il est conforme à celle-ci. Néanmoins, le règlement reste soumis au principe de légalité et doit respecter la loi, au sens large. Aussi faut-il s’assurer non seulement de l’absence d’empiètement du règlement sur le domaine réservé de la loi mais aussi de sa conformité à la Constitution ou aux principes généraux du droit.

Le contrôle de la légalité des règlements relève des juridictions administratives, qui peuvent être saisies par les justiciables de deux façons : 

– par voie d’action : le recours pour excès de pouvoir vise l’annulation d’un règlement illégal ;

– par voie d’exception : l’exception d’illégalité n’aboutira pas à l’annulation du règlement, mais seulement à sa mise à l’écart pour le litige dans lequel l’exception est invoquée.

L’exception d’illégalité peut être soulevée devant le juge judiciaire, qui doit alors surseoir à statuer en attendant que le juge administratif se prononce sur la légalité du texte litigieux. Cette obligation de surseoir à statuer ne s’applique pas au juge pénal, ni au juge civil lorsqu’il est allégué que le règlement porte atteinte à un droit fondamental de la personne.

Relativement simple à concevoir lorsqu’il s’agit de résoudre les conflits entre les normes écrites internes, la hiérarchie des normes apparaît altérée sous l’influence des normes de source internationale.

Prochain épisode : le renouvellement de la hiérarchie des normes écrites sous l’influence des textes d’origine supranationale.

■  CE, sect., 6 nov. 1936,  Arrighi :  Lebon 966; D. 1938. 1, concl. Latournerie, note Eisenmann; S. 1937. 33, note Mastre ;

■  Civ. 1 re , 1 er   oct. 1986, n° 84-17.090  P

■  Cons. const. 3 déc. 2009 n° 2009-595 DC  

Auteur :Merryl Hervieu

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[DISSERTATION] Les principes généraux du droit et le pouvoir créateur du juge

Cours et copies > Droit Administratif

Voici un exemple de dissertation en droit administratif portant sur les principes généraux du droit (PDG). Origines des PDG, valeur, pouvoir créateur du juge administratif... Découvrez cette copie qui a obtenu la note de 19/20 !

I/ Une œuvre créatrice au service du droit administratif

A) la volonté de combler un vide juridique, b) la volonté de s’armer d’un nouvel arsenal, ii/ la valeur juridique de ce pouvoir créateur, a) l’encadrement hiérarchique de cette œuvre créatrice, b) l’éventuelle consécration de cette création.

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N.B. : Cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait.

Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que la méthodologie peut varier selon les facultés, mais aussi en fonction des enseignants. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊.

Nous avons laissé en orange les commentaires du correcteur.

Sujet : Les principes généraux du droit sont-ils l’expression d’un pouvoir créateur du juge administratif ?

[ Accroche ] Louis Dubouis a dit « il ne saurait y avoir en droit de théorie plus fabuleuse que celle des principes, le juriste s’en convainc pour peu qu’il prête attention aux plus nobles d’entre eux [...]. Comment, en effet, tout juriste ne se sentirait-il pas irrésistiblement attiré par ces astres, rare lumière dans la nuit grise de l’inflation législative et réglementaire. Les principes généraux du droit illuminent l’univers juridique tout entier, droit privé, droit public […]. » Par cette citation, le professeur Louis Dubouis, professeur émérite de l'Université de droit, d'économie et des sciences d’Aix-Marseille, fait l’éloge des principes généraux du droit, qui forment une catégorie de norme à part entière.

[ Définitions juridiques des termes ] Les principes généraux du droit (ci-après abrégé « PGD »), principes posés par les juges, sont particulièrement importants et nombreux en droit administratif. Afin qu’un acte administratif soit valable, celui-ci doit, en effet, respecter les PGD. Il convient dès lors de rappeler quelques notions essentielles : les PGD n’ont point de matière à être confondus avec les principes à valeur constitutionnelle (PVC) ainsi qu’avec les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (française) (PFRLR) qui sont des principes dégagés par le Conseil constitutionnel. Les PGD sont des règles jurisprudentielles qui ont été créées par le juge administratif à partir des idéologies de la conscience nationale et d’une masse de textes fondamentaux. Ces PGD sont donc reconnus expressément par le juge administratif [ Ndlr : Voir un commentaire d'arrêt sur la la compétence du juge administratif ]. Il s’agit de règles non-écrites, introduites dans l’ordre interne par le juge. Plus précisément, c’est en cherchant dans la tradition républicaine que ces règles sont, si l’expression nous l’autorise, « découvertes » par ce dernier.

[ Contextualisation juridique ] Ces principes ont, par ailleurs, une place dans la hiérarchie des normes théorisée par Hans Kelsen. Rappelons dès lors que l’ordre juridique français s’organise de manière hiérarchique entre bloc de constitutionnalité, bloc de conventionnalité, bloc de légalité et bloc réglementaire.

[ Limites ] Précisons que ce travail ne s’intéressera pas à la pyramide des normes de Kelsen en tant que telle, même si quelques constats seront tout de même rapportés et nuancés. Les actes administratifs doivent respecter ces principes généraux du droit : ils s’appliquent donc à l’Administration.

[ Contextualisation juridique ] Il semble également opportun de rappeler que le droit administratif occupe une place particulière dans la sphère juridique française puisqu’il est essentiellement d’origine jurisprudentielle. S’il est indiscutable que le juge tant de droit privé que de droit public créait régulièrement du droit puisque que le droit écrit ne peut aucunement prévoir toutes situations puisque certaines d’entre elles demeurent imprévisibles, ce constat s’intensifie à l’égard du droit administratif, car il n’y a pas d’équivalence de Code civil, comme le rappelle Maître Laure-Alice Bouvier, avocat au barreau de Paris et docteur en droit ainsi que de nombreux professeurs de droit administratifs. Cette affirmation est tout de même à tempérer puisqu’il existe un Code de la justice administrative depuis les années 2000.

Le juge administratif peut rendre deux types de jugements. Le premier consiste à donner un ordre aux parties. Concrètement, le juge prend des arrêts d’application de droit, c’est à-dire que pour un motif donné, il applique une règle de droit déjà existante. À l’inverse, le juge administratif à le pouvoir d’édicter des arrêts de principe, c’est-à-dire qu’il peut créer du droit. Il créait alors une norme de droit applicable. Cette idée traduit donc l’importante création jurisprudentielle du Conseil d’État : si le juge ne saurait prendre des arrêts de règlement, il prend des arrêts de principe.

[ Problématique ]   Cependant, une question se pose quant à la création des PGD. Dans quelles mesures les principes généraux du droit sont-ils l’expression d’un pouvoir créateur du juge administratif ?

[ Annonce de plan ]   Il convient d’une part ( « cette expression implique normalement "d'autre part" ») , de s’intéresser à cette expression d’un pouvoir créateur (I) . Puis, il est nécessaire de comprendre que ce pouvoir créateur est tout de même limité (II) .

[ Chapô ]   La création des principes généraux du droit traduit une volonté de combler un vide juridique (A) et naissent donc de la jurisprudence (B) .

Dès le XIXe siècle, Édouard Laferrière, avocat et « magistrat-professeur », dans Traité de la juridiction administrative , avait insisté sur le fait que le Conseil d’État fondait ses décisions sur des principes très anciens : « il est vrai que le Conseil d'État, à l'inverse de la Cour de cassation, n'a pas l'habitude d'exposer, dans ses arrêts, toutes les déductions juridiques qui motivent ses décisions ; mais ces déductions n'en existent pas moins ; elles sont d'autant moins changeantes, même à travers les variations des régimes politiques, qu'elles se sont toujours inspirées d'un grand respect des précédents ; et qu'elles ont pour base, lorsque les textes font défaut, des principes traditionnels, écrits ou non écrits, qui sont en quelque sorte inhérents à notre droit public et administratif. »

Ces principes très anciens mettent en avant un fait : s’il est vrai que le Conseil d’État a parfois tendance à se servir des textes, des traités internationaux ou des lois pour découvrir les PGD, il est encore plus vrai d’admettre que du point de vue de la création des principes, la référence textuelle à une importance très limitée, car force est de constater la faible quantité de références textuelles applicables. Cela se justifiait par le fait qu’il n’y avait pas d’équivalence du Code civil en droit public et a fortiori en droit administratif. Le monde évoluant, le droit se devait d’évoluer à son tour. À l’instar du juge judiciaire, le juge administratif a donc dû créer de la jurisprudence pour pouvoir exercer dans son domaine de compétences. La création des principes généraux du droit a donc permis de combler ce vide juridique.

Le Conseil d’État a alors créé une jurisprudence et par conséquent, les normes s’imposant à l’autorité administrative. Cette jurisprudence créée par le juge administratif a pour principal objectif d’apporter aux administrés des garanties.

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Le Conseil d’État exerce donc un rôle majeur dans l’élaboration de la jurisprudence relative aux PGD. En d’autres termes et de manière plus imagée, les PGD sont enfants de la jurisprudence qui est-elle même enfant du Conseil d’État. Ainsi, lorsque les différents manuels de droit administratif définissent la notion des PGD, l’origine de la création est toujours renvoyée au Conseil d’État. À ce sujet, Thierry Debard exprime l’idée suivante : les PGD sont des « p rincipes formulés par le juge administratif lui permettant d’annuler un acte administratif, même réglementaire, qui lui serait contraire. » Cette idée est aussi soulignée par Agathe Van Lang, Geneviève Gondouin et Véronique Inserguet-Brisset dans le Dictionnaire du droit administratif : « il s’agit d’un principe de droit non écrit, dont le juge, administratif surtout, constate l’existence et dont le respect s’impose aux autorités administratives. » Dans le même sens, Chrystelle Schaegis révèle que « c’est le juge administratif qui a donné corps à cette notion à travers sa jurisprudence. » Ainsi, en 1944, le Conseil d’État consacre (sans le nommer ainsi) le premier principe général du droit : le principe de respect des droits de la défense (CE, 1944, Dame Veuve Trompier-Gravier ).

En 1945, le juge administratif va, pour la première fois, utiliser l’expression de « principe général du droit » dans l’arrêt Aramu (CE, 1945, Aramu ). Dans cette décision, le Conseil d’État reconnait l’existence de « principes généraux du droit applicables même sans texte », dont le principe du respect des droits de la défense. Aujourd’hui, il y a de nombreux PGD qui ont été consacrés. Afin d’en faciliter leur appréhension, Jacqueline Morand-Deviller, agrégée de droit public et spécialiste du droit administratif les a classés au sein de trois catégories : « les principes relatifs aux droits de l’Homme et du Citoyen », « les principes essentiels de fonctionnement de la justice et de protection des administrés » ainsi que « les principes d’équité économique et sociale. »

[ Transition ]   Si nous avons admis que l’existence des PGD était liée à la volonté du juge administratif, il est nécessaire d’en apprécier sa valeur juridique puisque à quoi bon servirait un tel pouvoir s’il n’est juridiquement pas reconnu et encadré ?

[Chapô]   L’œuvre créatrice est limitée, d’une part, par la hiérarchie des normes et la séparation des pouvoirs (A) et d’autre part, cette création pourrait être qualifiée de consécration (B) .

Le professeur Chapus élabore et défend une théorie qui fonctionne puisque, nous la retrouvons dans deux articles comptant parmi les grands classiques du droit administratif : « De la soumission au droit des règlements autonomes », Dalloz, 1960 et « De la valeur juridique des principes généraux du droit et des autres règles jurisprudentielles », Dalloz, 1966, désormais repris dans L’administration et son juge, PUF , 1999. Il considère que pour déterminer la valeur d’une règle de droit, il faut en déterminer la place qu’elle occupe dans la hiérarchie juridique. Si le Conseil d’État est soumis à la loi, il peut en revanche censurer les actes de l’Administration y compris les décrets. Plus précisément, les PGD ont une valeur supérieure à celle des actes administratifs [Ndlr : Voir un commentaire d'arrêt sur les actes administratifs] . Les PGD s’imposent au pouvoir réglementaire (CE, 26 juin 1959, Syndicat général des ingénieurs conseils ) et peuvent entraîner l’annulation d’une ordonnance prise par le Président de la République en vertu d’une habilitation référendaire puisque le principal général exige que toute décision jurisprudentielle puisse faire l’objet d’un pourvoi en cassation (CE, 19 octobre 1962, Canal ).

Dans la hiérarchie des sources du droit, le juge administratif occupe donc une place entre le législateur et le pouvoir réglementaire. Effectivement, dans le cadre du contrôle de la légalité des actes, le juge administratif n’est plus un « traducteur » mais un « serviteur des lois » et un « censeur des décrets » (« ce sont vos expressions où celles d'un juriste ? »). Les normes édictées par le juge administratif ont une valeur infralégislative et supra-décrétale. Par reprendre les mots de René Chapus, « l’œuvre du juge administratif, en tant qu’il s’exprime lui-même, ne peut se situer qu’au niveau qui est le sien dans le domaine des sources formelles du droit. Pour le connaître, une constatation suffit : le juge administratif est soumis à la loi dont il ne peut pas apprécier la validité ; il est au contraire en mesure d’invalider les actes des titulaires du pouvoir réglementaire. » Si une place juridique précise est consacrée aux PGD, il convient d’admettre que leur place peut évoluer.

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Comme l’explique l’avocat, docteur en droit et ancien professeur de droit public et privé à l’Université Paris 2, Panthéon-Assas, Laure-Alice Bouvier, un PGD est par nature évolutif et « peut donc gagner en galon » et « devenir un principe à valeur constitutionnelle » en intégrant le bloc de constitutionnalité « lorsqu’ils sont dégagés par le Conseil constitutionnel. » Les PGD traduisent donc des valeurs essentielles qui imprègnent l’ensemble de l’ordre juridique. À titre d’exemple, le principe d’égalité est mentionné dans la Constitution ou dans son préambule. C’est notamment le cas du principe de continuité du service public (CC, décision du 25 juillet 1979) [Ndlr : Voir un commentaire d'arrêt sur la continuité du service public ]. Le Conseil Constitutionnel a reconnu la valeur constitutionnelle du principe et ce indépendamment de toute référence dans le texte écrit de la Constitution. Par ailleurs, comme le rappelle Bernard Stirn, ancien président de la section du contentieux du Conseil d’État, « non seulement de nouveaux principes [généraux du droit] viennent compléter la construction [des principes déjà existants]. Mais des principes traditionnels sont appliqués avec une acception qui se transforme. »

À titre d’exemple, le principe d’égalité est un principe dont l’approche formelle a évolué vers une vison prenant plus en compte l’égalité des chances. Toujours pour reprendre les mots du haut fonctionnaire susmentionné, « le Conseil d’État a ainsi admis que, dans le but d’assurer l’égal accès de tous les enfants à l’éducation musicale, indépendamment des possibilités financières de leurs parents, un conservatoire municipal de musique pratique des tarifs différenciés selon les ressources des familles. » (CE, 29 décembre 1997, Commune de Gennevilliers ). Cependant, il est convenu de nuancer et préciser le propos. Dans la majorité des cas, le Conseil constitutionnel préfère rattacher un principe général à source constitutionnelle, même si sa portée est très générale, par le biais des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ou en vertu de l’article 16 de la Déclaration de l’Homme et du Citoyen.

Orlane Milan

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[DISSERTATION] « Le juge administratif est-il un juge constitutionnel ? »

[DISSERTATION] La place du juge administratif dans la création du droit administratif

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La hiérarchie des normes sous la Ve République

41 vues 0 26 juin 2023 Mise à jour 26 June 2023 Thémis

Comprendre la hiérarchie des normes sous la Ve République

La France, depuis l’instauration de la Ve République en 1958, a élaboré un système juridique complexe et bien structuré. C’est dans ce contexte que s’inscrit la notion de hiérarchie des normes , qui ordonne les différentes sources du droit en fonction de leur force juridique.

Les différentes sources du droit dans l’ordre hiérarchique

Le sommet de la hiérarchie: la constitution.

La Constitution est la loi fondamentale qui régit l’organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics en France. Adoptée par référendum le 4 octobre 1958, elle donne naissance à la Ve République, instaurant une nouvelle forme de gouvernement caractérisée par un exécutif fort. Le Préambule de la Constitution , renvoyant à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et au Préambule de la Constitution de 1946, garantit également les droits et libertés fondamentaux des citoyens. Sa révision, prévue par l’article 89, requiert une procédure complexe qui nécessite l’accord des deux assemblées (Assemblée Nationale et Sénat) et souvent un référendum, témoignant de son statut suprême dans la hiérarchie des normes.

Les traités et accords internationaux

Au-dessus des lois mais en dessous de la Constitution , on trouve les traités et accords internationaux . Ces textes sont des accords conclus entre différents États ou organisations internationales. Selon l’article 55 de la Constitution , après avoir été régulièrement ratifiés ou approuvés, ils ont une autorité supérieure à celle des lois. Cela signifie qu’une loi contraire à un traité peut être déclarée inconstitutionnelle. Cette disposition a été confirmée par une décision du Conseil constitutionnel en 1975, reconnaissant la suprématie des engagements internationaux de la France sur les lois nationales.

Les lois organiques

En dessous des traités internationaux mais au-dessus des lois ordinaires, on trouve les lois organiques . Prévues par la Constitution , elles ont pour objet de compléter ou de préciser les dispositions de nature constitutionnelle. Elles concernent notamment l’organisation des pouvoirs publics, le fonctionnement du Parlement ou les règles relatives à l’élection du Président de la République. Avant leur promulgation, les lois organiques doivent être déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel , conformément à l’article 46 de la Constitution .

Les lois ordinaires

Les lois ordinaires constituent la majeure partie du droit positif français. Elles sont adoptées par le Parlement (Assemblée nationale et Sénat) et peuvent porter sur tous les sujets n’étant pas réservés par la Constitution à d’autres formes de lois (lois organiques, lois de finances). Les lois ordinaires sont soumises au contrôle de constitutionnalité du Conseil constitutionnel qui peut être saisi avant leur promulgation.

Les règlements

En bas de la hiérarchie se trouvent les règlements . Il s’agit des textes adoptés par le pouvoir exécutif, c’est-à-dire le Président de la République, le Premier ministre, les ministres ou les préfets. Ils se divisent en décrets, qui sont généralement signés par le Président ou le Premier ministre, et les arrêtés, signés par un ministre ou un préfet. Les règlements doivent respecter les normes qui leur sont supérieures : ils ne peuvent donc pas contredire une loi, une loi organique, un traité international ou la Constitution .

Le rôle du Conseil constitutionnel dans la hiérarchie des normes

Créé par la Constitution de la Ve République, le Conseil constitutionnel joue un rôle central dans la hiérarchie des normes. Il est chargé de vérifier la conformité des lois à la Constitution , dans le cadre du contrôle de constitutionnalité. C’est lui qui, le cas échéant, peut censurer une loi qui contreviendrait à la Constitution .

L’évolution de la hiérarchie des normes: la question de la QPC

La Question Prioritaire de Constitutionnalité ( QPC ), introduite par la révision constitutionnelle de 2008, a constitué un tournant dans la hiérarchie des normes. Elle permet à tout citoyen, dans le cadre d’un procès, de contester la constitutionnalité d’une loi qui serait contraire à ses droits et libertés. Si la QPC est jugée sérieuse, elle est transmise au Conseil constitutionnel , qui a le pouvoir de déclarer la loi non conforme à la Constitution , modifiant ainsi la jurisprudence.

En conclusion, la hiérarchie des normes sous la Ve République est un système complexe qui structure le droit français. Elle met en évidence la primauté de la Constitution , des traités internationaux et des lois sur les règlements. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel , véritable garant de cette hiérarchie, a vu son rôle renforcé avec l’introduction de la QPC .

On estime que, depuis l’introduction de la QPC , plus de 30 lois ont été déclarées inconstitutionnelles par le Conseil constitutionnel , témoignant de l’évolution constante de la hiérarchie des normes sous la Ve République.

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La hiérarchie des normes

Par TristanLep   •  13 Octobre 2021  •  Dissertation  •  1 733 Mots (7 Pages)  •  1 829 Vues

Institutions Politiques

SUJET :  « À quoi sert la hiérarchie des normes ? »

« Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses que le pouvoir arrête le pouvoir » [1]  (Montesquieu, Livre XI, chap. IV, in De l’esprit des lois , 1748). Par cette citation, Montesquieu, philosophe des Lumières, énonce la nécessité de délimiter et d’organiser le pouvoir afin de garantir l’État de droit et donc, la prééminence du droit sur le pouvoir politique dans un État.

Apparue dans la doctrine allemande du milieu du XIX e  siècle sous le terme de Reechtsstaat , cette notion d’« État de droit » sera ensuite redéfinis par le juriste autrichien Hans Kelsen comme « un État dans lequel les normes sont hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s’en trouve limitée ». C’est ainsi qu’en 1934, Hans Kelsen formalise dans son ouvrage intitulé La Théorie pure du droit , une structuration de l’ordre juridique où l’ensemble des normes est organisé selon son degré d’importance et dans lequel toute norme trouve le fondement de sa validité dans une norme supérieure, mise à part la norme suprême qu’est la constitution [2]  : on parle alors de « hiérarchie des normes ». Dans cette acception, la hiérarchie des normes constitue un élément fondamental et essentiel de l’État de droit, en tant qu’elle assure la prédominance du droit sur l’exercice du pouvoir politique. Cette théorie est d’ailleurs un principe inhérent au système juridique contemporain, notamment en France depuis l’adoption de la constitution de 1958. Cependant, force est de constater que la hiérarchie des normes est également un concept éprouvé, en particulier dans un contexte de multiplication des traités et normes internationales. En effet, est-ce la constitution ou bien une norme supranationale qui doit prévaloir lors d’un arbitrage juridique ? À l’égard de ce questionnement, le thème de la hiérarchie des normes apparait comme un véritable enjeu au sein de l’ordre juridique.

Par conséquent, quelle est véritablement l’utilité de la hiérarchie des normes au sein du système juridique contemporain ?

        Ainsi, la hiérarchie de normes est avant tout une formalisation de la structure de l’ordre juridique dont l’objectif est de clarifier et d’assurer la cohérence du système normatif. Toutefois, son fondement demeure la garantie de  la primauté des droits de l’Homme au sein d’un État de droit.

I- La hiérarchie des normes comme structuration du système juridique

Le juriste autrichien Hans Kelsen a défini une organisation structurée et hiérarchisée de l’ordre juridique. Organisation qui permet de clarifier et d’établir une véritable cohérence entre les règles de droit dans notre société.

  • Une simplification de l’ordre juridique

La hiérarchie des normes consiste dans un premier temps à rendre compte du système juridique de manière schématique.

L’ensemble des normes est ainsi organisé et présenté sous la forme d’une pyramide, dite « Pyramide de Kelsen ». De fait, chaque norme est organisée de façon objective selon son degré d’importance. On peut distinguer trois niveaux juridiques au sein de cette hiérarchie : le bloc de constitutionnalité, le bloc législatif et réglementaire et le bloc des actes conventionnels. Au sommet de cette hiérarchie l’on retrouve ainsi la Constitution, soit la norme suprême à laquelle est subordonné l’ensemble des autres normes de rang inférieure. Ce modèle permet de justifier la supériorité d’une norme relativement à celle qui lui inférieure tout en définissant clairement cet ordre. En somme, la hiérarchie des normes est utile en tant qu’elle évite les confusions et offre une vision claire et compréhensible du système juridique. Autrement dit, ce principe met en exergue la différence de valeur entre les normes, et de fait, offre une simplification de l’ordonnancement juridique [3] . L’exemple de la hiérarchie des normes en France offre une illustration pertinente de cet ordonnancement juridique. En effet, la pyramide des normes françaises se subdivisent en trois niveaux distincts : le bloc de constitutionalité, le bloc de conventionalité et enfin le bloc de légalité. Force est de constater que cette représentation pyramidale offre une vision clarifiée du système juridique, que ce soit pour le cas de la France ou d’autres pays.

Ainsi, la hiérarchie des normes permet de formaliser et de simplifier l’ordre juridique tout en mettant en évidence les différences de valeur entre les normes. Outre la question purement formelle, la hiérarchie des normes permet également une stabilité et une cohérence de l’ordre juridique.

  • L’assurance d’un ordre juridique cohérent

La cohérence de l’ordre juridique constitue un enjeu essentiel et fondamental de la hiérarchie des normes.

Le principe de hiérarchie des normes repose sur le fait que « toute norme trouve le fondement de sa validité dans une norme supérieure » [4] . De fait, au sein du système juridique, une norme est légitime en tant qu’elle se conforme aux normes supérieures. Or, cette question de légitimité est essentielle car elle assure la primauté d’une norme par rapport à une autre, ce qui garantit la cohérence de l’ordre juridique. Le cas échéant, si ce principe de hiérarchisation était inexistant, aucune norme ne serait réellement supérieure à l’autre. Une telle situation serait dès lors synonyme de contradiction. En effet, si l’on prend le cas extrême, soit une absence totale de hiérarchie, un décret aurait la même valeur que la constitution. En l’occurrence, il y aurait une incohérence au sein du système juridique. Incohérence qui se traduirait dès lors par une perte de légitimité de la justice auprès de la société. D’où l’importance d’une hiérarchie des normes afin d’assurer une cohérence de l’ordre juridique.

Par conséquent, la hiérarchie des normes permet d’éviter une quelconque contradiction entre les normes en assurant une cohérence au sein de l’ordre juridique. Cette conception du système juridique développée par Hans Kelsen tend ainsi à assurer la légitimité de chaque norme.

II- La hiérarchie des normes comme garantie de l’État de droit.

Au-delà de l’aspect structurel et de l’impératif de cohérence, la hiérarchie des normes peut également se concevoir comme une garantie de l’État de droit. Elle permet de contrôler l’exercice du pouvoir politique tout en assurant la primauté des Droits de l’Homme.

Fiches/Cours

  • La hiérarchie des normes constitutionnelles

LA QUESTION DE LA HIÉRARCHIE DES NORMES CONSTITUTIONNELLES

Les sources du droit applicable en droit constitutionnel sont variées et proviennent de textes et dates différentes. La hiérarchie des normes constitutionnelles désigne l’ordre de primauté des différentes normes juridiques au sein d’un système juridique donné. Cette hiérarchie établit la suprématie de la Constitution par rapport aux autres normes législatives ou réglementaires.

Au sommet de la hiérarchie des normes se trouve la Constitution, qui est considérée comme la norme fondamentale et suprême d’un État. La Constitution établit les principes fondamentaux, les droits et les devoirs des citoyens, ainsi que l’organisation et le fonctionnement des institutions de l’État.

En dessous de la Constitution, viennent les lois constitutionnelles ou organiques. Ces lois sont adoptées pour réglementer des domaines spécifiques qui sont prévus par la Constitution elle-même. Elles ont une autorité législative supérieure aux lois ordinaires et nécessitent souvent des conditions de majorité ou de procédure particulières pour être adoptées ou modifiées.

  • Droit et contentieux constitutionnel
  • La crise de la loi
  • Les décisions du juge constitutionnel et leur autorité
  • L’interprétation de la Constitution
  • Le contrôle de constitutionnalité
  • Les normes soumises au contrôle du Conseil Constitutionnel
  • Principes fondamentaux reconnus par les lois de la République
  • La valeur du préambule de la Constitution
  • Le bloc de constitutionnalité

Les lois ordinaires, quant à elles, occupent un niveau inférieur dans la hiérarchie des normes. Elles sont adoptées par le Parlement et réglementent divers domaines de la vie quotidienne, tels que le droit civil, le droit pénal, le droit administratif, etc. Les lois ordinaires doivent être conformes à la Constitution et ne peuvent pas contredire les dispositions constitutionnelles.

Ensuite, viennent les règlements et les décrets, qui sont des normes édictées par l’exécutif, généralement le gouvernement, pour mettre en œuvre les lois et les politiques publiques. Ces normes doivent également être conformes à la Constitution et aux lois. Elles ne peuvent pas aller à l’encontre des principes fondamentaux établis par ces normes supérieures.

Enfin, les actes administratifs et les décisions des autorités administratives occupent le niveau le plus bas de la hiérarchie des normes. Ils sont édictés par les autorités administratives pour appliquer les règlements et les décrets. Ces actes doivent être conformes à la Constitution, aux lois et aux règlements qui les encadrent.

Plan du cours :

SECTION 1. LE CONSTAT : L’HÉTÉROGÉNÉITÉ DES SOURCES DU DROIT

Il y a plusieurs sources d’hétérogénéité qui sont porteuses de contradictions particulières. Il y a une hétérogénéité dans le temps, concernant la rédaction des textes.

Concernant l’hétérogénéité dans le temps, il y a différentes sources constitutionnelles écrites dans les épiques différentes. En pratique, ces sources présentent des âges idéologiques différents concernant les droits de l’Homme et les garanties fondamentales. La différence se fait entre l’âge libéral et l’âge socialiste. L’âge libéral concerne les droits individuels. L’âge socialiste concerne les droits de créance, l’intervention de l’Etat pour donner les droits et libertés. Il s’agit donc de l’Etat providence au lieu de l’Etat gardien de nuit.

Concernant l’hétérogénéité entre les droits eux même, la conciliation de ces droits ne peut se faire naturellement. Il y a un aspect structurel marquant toute approche individualiste des droits de l’Homme. C’est l’idée qu’il y a une contradiction permanente entre les droits de l’Homme et les droits de la société. Le 25 juillet 1989, on a la contradiction entre la liberté du salarié et la liberté syndicale devant le Conseil constitutionnel.

En réalité, l’affaire est assez simple car c’est l’office même de tout juge d’organiser des conciliations nécessaires. Dans ce cas, le juge constitutionnel n’est pas dans une autre démarche que le juge ordinaire mais exactement la même. Au moment d’arbitrer et de concilier, les choses sont difficiles.

Concernant l’hétérogénéité de la rédaction des textes, il faut tenir compte de la nature de l’écriture du texte qui est un point important pour le juriste. L’écriture du texte conditionne la normativité du texte. Ainsi, pendant longtemps, on a hésité à donner de la normativité aux déclarations de droits et on donné un privilège au législateur ainsi. Du coup, le Conseil constitutionnel a été obligé de distinguer entre les règles et les principes. Un principe est une proposition générale annoncée en termes abstraits. La règle est une proposition rédigée concrètement et content des dispositions précises avec de la normativité.

En droit constitutionnel, il y a peu de textes précis. Exemple d’ambiguïté source d’interprétation, une fois la liberté d’enseignement déclaré, le corolaire est le respect de l’institution.

Cette distinction entre les principes et les règles a donc une portée limitée. C’est d’autant plus difficile que le Conseil constitutionnel a fait un usage indifférencié des textes de valeur constitutionnelle. On s’en remet donc au pouvoir d’interprétation du juge qui devra prendre en compte les diverses rédactions. Il ne rejettera jamais une disposition sous prétexte qu’elle n’est pas assez précise.

SECTION 2. LE REFUS D’UNE HIÉRARCHIE FORMELLE

Une des premières façons de remettre de l’ordre est de mettre en place une hiérarchie d’importance qui tient à la forme constitutionnelle donnée à ces principes et règles. Une partie de la doctrine a tenté de donner une hiérarchie. Derrière des arguments juridiques, ce sont avant tout des arguments idéologiques. L’objectif est de faire triompher le choix libéral ou le choix socialiste. Notamment, Goguel, disait que la Déclaration de 1789 était le noyau dur et que les autres textes entouraient ce noyau. Cela n’est pas faux mais dans ce cas on a deux types e droits : droits absolus attachés à l’Homme et les droits relatifs qui s’accrochaient à la société. Il y en a qui plaident la supériorité du Préambule de 1946 et donc la primauté des principes nécessaires à notre temps. La lecture socialiste des droits de l’Homme serait donc la lecture moderne. C’est l’idée que la loi la plus récente l’emporte sur la loi ancienne.

En réalité, le Conseil constitutionnel n’a jamais reconnu de hiérarchie formelle entre les textes. Il a rejeté la règle selon laquelle la loi nouvelle vaut sur la loi ancienne. Il a utilisé des droits plus anciens pour brider un droit plus moderne.

L’argument essentiel est qu’au fond le Conseil considère le Préambule de 1958 comme un tout solidaire.

Dans la décision du 16 janvier 1982, on a pensé que le Conseil faisait une hiérarchie en donnant à la déclaration de 1789 la place principale et au Préambule de 1946 la place secondaire. En effet, dans cette décision, le Conseil passe du temps à justifier la permanence constitutionnelle de la déclaration de 1789. On a donc cru que le Conseil soulignait le préambule en le réaffirmant. On a donc pensé que les principes nécessaires à notre temps servaient seulement à compléter les principes de 1789. Dominique Rousseau fait remarquer que le Conseil y passe beaucoup de temps car il répond seulement à l’argument socialiste qui disait que les principes de 1789 étaient en quelque sorte « morts ».

SECTION 3. EXISTE T-IL UNE HIÉRARCHIE MATÉRIELLE ?

L’idée est de dire qu’il y a quand même une hiérarchie entre les droits car ils n’ont pas tous la même valeur et les mêmes conséquences. On a présenté des arguments dans ce sens. Un des arguments est de faire la différence entre les dispositions qui sont seulement des promesses et les dispositions pouvant être mises en œuvre. Dans tous les cas, la position des juges ne peut être la même. C’est donc l’idée d’un noyau dur qui serait les droits naturels de l’Homme qui devraient être mieux protégés contre les législateurs alors que les autres droits relèvent d’une analyse conjoncturelle et peuvent être laissés à la liberté du juge.

Dominique Rousseau a son argument. Il fait remarquer que personne ne s’accorde sur la liste des principes formant le noyau dur.

En pratique, c’est vrai qu’il y a des différences et des préférences. Le Conseil constitutionnel va incontestablement tenir compte de ces différences de contenu. Au fond, il n’y a pas de système commun. L’arbitrage se fait au cas par cas et donc la démarche est prétorienne.

SECTION 4. LES PROCÉDURES DE CONCILIATION

Il s’agit ici du pur terrain de la conciliation prétorienne. La première idée est de dire qu’il n’y a pas de droits fondamentaux. Dès 1789, on prévoit des dérogations à la liberté. Les bornes sont déterminées par la loi. Le juge constitutionnel par son contrôle est associé à la détermination de ces bornes. Le juge n’a jamais l’initiative de son contrôle et donc son contrôle est essentiellement à postériori. Il fat comprendre que le contrôle à posteriori est un contrôle qui ne bride pas complètement le législateur car le juge dit seulement que ce qui a été fait n’était pas nécessaire ou proportionnel mais le juge ne dicte pas la position inverse. Le législateur n’est donc pas tenu de prendre la démarche inverse.

Le juge détermine les limites acceptables d’une liberté en mettant notamment la liberté en rapport avec le contexte social. C’est l’idée qu’un droit s’exerce dans une société donnée. Pour prendre en compte cet élément, le Conseil va soumettre la liberté à l’appréciation de l’intérêt général ou des objectifs à valeur constitutionnelle. Il y a les hypothèses ou le Conseil constitutionnel met en rapport la liberté avec l’intérêt général. La notion d’intérêt général est vague mais elle est évidente. Par exemple, le 16 janvier 1982, le Conseil constitutionnel analyse la question de l’égalité de traitement de ceux qui sont nationalisés et des atteintes éventuelles à l’intérêt général. Le juge répond que le gouvernement a le droit d’exclure l’indemnisation car les difficultés internationales résultant de la nationalisation pouvaient compromettre l’intérêt général. Inversement, les banques mutualistes exclues de l’indemnisation ne devaient pas se faire car cela porte atteinte au principe d’égalité selon le Conseil constitutionnel.

Autre exemple, le Conseil constitutionnel a admit des limites au droit de grève dans l’audiovisuel notamment (25 juillet 1999).

Le contexte social s’exprime aussi par la soumission à des objectifs et principes constitutionnels. Le 8 janvier 1991, il s’agit d’une loi limitant la publicité pour l’alcool et le tabac qui touche a droit de propriété et la liberté d’entreprendre mais le Conseil estime que cette loi est justifié par le principe constitutionnel de préservation de la santé.

On pose aussi des limites matérielles à la liberté. On peut notamment adapter un régime d’autorisation préalable pour tenir compte des moyens techniques propres aux moyens de la communication. On est ici dans la liberté de la presse qui donne comme principe général de déclaration préalable.

Le 17 janvier 1989, cette conciliation opérée par le Conseil constitutionnel s’y retrouve bien. Il commence par rappeler l’étendue de la compétence du législateur en vertu de l’article 34. Il fixe les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques. Il précise la nature de la compétence u législateur qui est de concilier en l’état actuel des techniques et de sa maitrise avec aussi le respect d’objectifs de valeur constitutionnelle. Ici, on retrouve une liste importante qui intervient : sauvegarde de l’ordre public, respect de la liberté d’autrui, préservation du caractère pluraliste des expressions de courant auxquels les modes de communications audiovisuels peuvent porter atteinte. Cela justifie que le législateur organise une autorisation administrative entre les mains du CSA.

Après la mise en rapport avec le contexte, le Conseil constitutionnel met aussi en rapport la liberté avec le maintien de l’ordre public qui est un objectif de valeur constitutionnelle. Cela signifie qu’on ne peut donc pas lui donner à l’avance un contenu précis. C’est davantage un objectif qu’une norme. Cependant, sa valeur constitutionnelle le place au dessus de la loi et donc le Conseil constitutionnel peut l’invoquer. Il y a des cas où le Conseil évoque tout simplement le maintient de l’ordre public en disant que le législateur doit concilier l’exercice des libertés avec le maintient de l’ordre public. En 1981, concernant la loi sécurité liberté, il s’agissait de la vérification de l’identité par conduite au poste de police. Le Conseil a dit qu’il faut voir la sauvegarde de l’ordre public justifiant cette mesure.

Troisièmement, le juge constitutionnel met en rapport la loi avec les autres droits et libertés e concurrence. Le premier exemple est la mise en rapport d’une liberté avec l’égale liberté d’autrui. Dans le cadre e la liberté de l’enseignement, le Conseil met en rapport la liberté de conscience des enfants et des parents avec celle des enseignements. La conciliation se fait autour du droit de réserve qui ne porte pas atteinte à la liberté de l’enseignement. Le 25 juillet 1989, on a concilié la liberté personnelle du salarié avec la liberté syndicale.

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Le contrôle du respect de la hiérarchie des normes

Résumé du document.

En France, deux types de normes coexistent : les normes nationales, rattachées à un ordre hiérarchique interne de la juridiction, et les normes communautaires, intégrées à la hiérarchie interne, mais appartenant aussi à un ordre juridique externe. Cela signifie que deux sources du droit existent : la première tire sa légitimité des institutions nationales, la seconde, des institutions européennes. En pratique, ces deux hiérarchies se superposent, mettant à mal le principe de souveraineté nationale cher à la France ; la primauté du droit étant accordée aux normes communautaires. Ainsi, la hiérarchie des normes suppose qu'une source du droit est plus légitime qu'une autre. Avec l'avancée de la construction européenne, la « norme fondamentale », en France, est passée de la Constitution, aux normes communautaires. Toutefois, certains principes de la Constitution peuvent entrer en conflit avec des règlements européens. C'est la raison pour laquelle nous allons nous interroger, à travers cette étude, sur l'effectivité de la hiérarchie des normes, en France.

  • Un ordre juridique interne hiérarchisé et étroitement contrôlé
  • L'ordre juridique externe : la primauté du droit communautaire sur le droit national
  • Les conflits de normes entre la Constitution, le droit communautaire et les traités internationaux
  • Les résistances à l'application de la hiérarchie des normes au sein de la jurisprudence nationale

[...] Cela s'est vu au travers de sa jurisprudence. Par exemple, en 1968, le Conseil d'Etat a jugé qu'il n'avait pas le pouvoir d'écarter la loi nationale postérieure contraire au droit communautaire ; la première s'interposant et faisant "écran" entre la disposition communautaire et le texte réglementaire non conforme à cette disposition. Ceci a été mis en avant dans deux arrêtés : l'arrêt Syndicat national des fabricants de semoule en France, rendu le 1er mars 1968, et l'arrêt Association des centres distributeurs Edouard Leclerc, du 8 février 1985. [...]

[...] Ainsi, la hiérarchie des normes suppose qu'une source du droit est plus légitime qu'une autre. Avec l'avancée de la construction européenne, la norme fondamentale en France, est passée de la Constitution, aux normes communautaires. Toutefois, certains principes de la Constitution peuvent entrer en conflit avec des règlements européens. C'est la raison pour laquelle, nous allons nous interroger, à travers cette étude, sur l'effectivité de la hiérarchie des normes, en France. En effet, cette hiérarchie est-elle toujours respectée dans la jurisprudence, grâce à la mise en place d'un contrôle juridique efficient ? [...]

[...] Les ordonnances concernent le domaine de la loi défini à l'article 34, et ont une validité limitée dans le temps. Puis, les décisions prises par le Président de la République, lorsque l'article 16 est appliqué (portant sur les pouvoirs exceptionnels), intervenant dans le domaine législatif ne sont pas contrôlées. Cependant, en dehors de cette situation, chaque loi ordinaire peut être contrôlée par le Conseil Constitutionnel, après son vote au Parlement et avant sa promulgation par le Président de la République. [...]

[...] Le système juridique français s'oppose, par tradition, à accepter la suprématie de normes internationales. Ainsi bien que la Cour de Justice des Communautés européennes ait affirmé, dans l'arrêt Simmenthal du 9 mars 1978, que : le juge national chargé d'appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit communautaire, a l'obligation d'assurer le plein effet de ces normes, en laissant au besoin inappliqué, de sa propre initiative, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu'il ait à demander ou à attendre l'élimination préalable de celle-ci deux résistances apparaissent. [...]

[...] Cela a été mis en application dans la jurisprudence. Le temps mis par les autorités juridiques compétentes d'un Etat membre pour accepter certains principes du droit communautaire, revendiqués dès le début des années 1960, prouve qu'il s'agit là d'un obstacle dans le contrôle du respect de la hiérarchie des normes. En effet, ce sont les autorités juridiques nationales qui auraient dû contrôler le respect de cette hiérarchie normative, qui se sont opposées à la mettre en application. Ce qui prouve, qu'on est confronté, non pas à une crise de la hiérarchie des normes telle que le dit Pascal Puig, mais bien plutôt à une lenteur vis-à-vis du respect et du contrôle d'une hiérarchie des normes nouvelles pour les Etats membres de l'Union européenne, et particulièrement la France. [...]

  • Nombre de pages 8 pages
  • Langue français
  • Format .doc
  • Date de publication 27/01/2009
  • Consulté 73 fois
  • Date de mise à jour 27/01/2009

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